Scène

Benoît McGinnis: La revanche

Le comédien est à l’affiche de Caligula, une pièce d’Albert Camus, qui sera présentée dès le 14 mars au Théâtre du Nouveau Monde. Entretien avec un passionné de théâtre qui est passé d’étudiant timide à acteur de premier plan.

VOIR: Vous avez souvent travaillé avec le metteur en scène René Richard Cyr, et vous êtes un habitué du TNM depuis 2013: pour ce Caligula, vous êtes dans un contexte connu…

Benoît McGinnis: C’est rassurant et confortable, mais aussi angoissant; c’est quand même le TNM, il y a des attentes, on se demande comment ça va être reçu. J’ai travaillé presque 20 fois avec René Richard! Plus on se connaît, plus ça peut être parfois difficile de travailler. Je vais moins le surprendre… Et je suis plus tenté d’argumenter ses décisions, alors que je ne ferais jamais ça avec un metteur en scène avec qui je travaille pour la première fois.

Comment vous êtes-vous retrouvé dans la peau de cet empereur fou?

Marc Béland m’avait beaucoup parlé de ce personnage [qu’il a joué en 1993, dans une mise en scène de Brigitte Haentjens]. Il me disait souvent: «C’est tellement un beau rôle!» J’avais lu Caligula au secondaire et je me souvenais surtout que c’était intense. Je l’ai relu plus tard et j’ai eu envie de le proposer… C’était le moment, avant d’être trop vieux. Il y a une jeunesse, un manque de raisonnement chez ce genre de personnages qui devient plus difficile à rendre avec le temps.

Néron dans Britannicus, Hamlet, Béranger dans Le roi se meurt… Vous n’auriez pas un petit penchant pour les rôles de royauté, d’autorité?

Je n’ai pas particulièrement couru après ce type de rôles, mais c’est vrai que j’en ai beaucoup fait. Ils me permettent d’aller complètement ailleurs; il y a quelque chose d’attirant à faire ces personnages fous et tyranniques. À l’École nationale de théâtre, on me disait que je n’allais pas assez dans ces zones-là. Je me sens plus «acteur» quand je vais vers ces rôles loin de moi. Il y a une sorte de liberté, je me laisse aller…

Les gens pensent connaître ces personnages. Caligula, on pense que c’est simplement un tyran, un fou. Il y a de ça, mais on ne peut pas juste l’aborder ainsi. Il faut aller chercher d’où vient cette violence et comment il est devenu fou.

Vous dites être orgueilleux, directif, quelqu’un qui aime que les choses se fassent à sa manière… 

Mon côté directif est un peu caché dans la vie. Mais c’est vrai que je veux tout de suite que ça avance, j’aime être en contrôle. Je ne veux pas de niaisage. Et puis, il y a un côté chez les rois qui attire l’attention, qui fascine, qui fait qu’on les écoute. Moi, j’étais très timide quand j’étais plus jeune; les gens ne me croyaient pas quand je disais que je faisais du théâtre, tant j’étais gêné de parler en public. Aujourd’hui, c’est un peu comme une revanche…

On vous associe plutôt aux rôles dramatiques, très intenses. Vous n’avez pas peur que cette étiquette vous colle à la peau?

J’ai l’impression au contraire que ça va être la fin d’une période. Je vais avoir 40 ans, et Caligula va clore un cycle dans mon travail. La période suivante? Je pourrais jouer plus de rôles de père, d’amant… Mais je fais plus jeune que mon âge, ça prendra peut-être du temps avant qu’on me propose ce type de personnages.

La mise en scène, ça pourrait faire partie de ce deuxième cycle de carrière?

J’aimerais vraiment la mise en scène, je pense. L’esprit créatif de partir d’un texte et de tout construire de là, je trouve ça excitant. Je n’aurais jamais dit ça avant, j’étais persuadé d’être juste un interprète! Je crois que ç’a commencé avec Marc Béland, qui me montrait les maquettes des décors et des costumes et me demandait mon avis. Aujourd’hui, René Richard me consulte aussi parfois. Je prends goût à ça. J’aime notamment le théâtre de création, j’ai envie de plus le découvrir.

Et la télé, le cinéma dans tout ça?

Le théâtre, c’est ma passion. J’ai besoin de la scène, du travail de répétition, des discussions entre comédiens et metteur en scène, de cette ambiance particulière… Mais il y a quelque chose dans la caméra qui me stimule. J’espère refaire de la télé, car l’un nourrit l’autre dans le travail d’acteur; à la télé, j’ai appris des choses pour m’aider au théâtre, et vice-versa.

En attendant, vous enchaînez les pièces avec un rythme stakhanoviste. Êtes-vous un obsédé du travail?

C’est la première fois en quatre ans que je fais du théâtre sans jouer dans 30 Vies à côté! Ça repose. Mais c’était mon choix de faire théâtre et télé en même temps, et je suis capable d’en prendre! Je suis presque déstabilisé aujourd’hui d’avoir autant de temps à consacrer à la pièce. C’est pour ça aussi qu’on fait du théâtre plutôt que de la télé, pour avoir le temps…

Caligula
Au Théâtre du Nouveau Monde
Du 14 mars au 8 avril 2017