Scène

La cloche de verre: dualité trouble

Le Théâtre de l’Embrasure s’intéresse à l’unique roman de Sylvia Plath dans une adaptation différente et une mise en scène fascinante de Solène Paré.

Alter ego de l’auteure, Edith Greenwood est une jeune femme à qui on promet un avenir brillant en écriture. À New York, portée par le désir d’être libre, de trouver sa place comme auteure et surtout en tant que femme, c’est son propre mal-être qui guidera le reste de sa courte vie.

La mise en scène sobre de Solène Paré divise la voix d’Edith entre les deux comédiennes. Le décor dépouillé conçu par Xavier Mary rend l’espace scénique étroit et étouffant. Marie-Josée Samson est une Edith interprétée avec délicatesse et fragilité, encore curieuse mais désillusionnée sur le monde qui l’entoure. Marie-Pier Labrecque incarne un doublon plus extraverti, charnel et impulsif de la narratrice, en proie à des épisodes bipolaires violents. Elle devient aussi, à l’aide d’une gestuelle précise et envoûtante, quelques personnages dont Edith fait la rencontre. Ce choix de mise en scène donne une grande force à la puissance de l’écriture de Sylvia Plath et celle de la voix féminine opprimée, perdue dans un monde où le simple fait d’être femme peut facilement être un obstacle à l’émancipation.

photo Antonin Gougeon
photo Antonin Gougeon

Jamais le texte – partagé entre monologues et échanges – ou l’interprétation ne basculent dans les éclats d’émotions. Le mal est intérieur et revient incessamment, malgré les séances d’électrochocs et les séjours à l’hôpital, et la mise en scène rend bien cette intériorité malade. Edith est consciente de sa condition, bien qu’incapable de surmonter ce malaise de ne pas pouvoir se tailler une place au milieu des siens. Le regard posé par cette nouvelle adaptation sur la condition de la femme, le désir de liberté personnelle se détache habilement de l’époque – nous sommes à l’été 1953 – et s’étend jusqu’à des questionnements encore d’actualité.

Les deux interprètes portent avec finesse et sobriété ce texte à la fois chargé et délicat. Le ton est juste, parfois détaché, presque mécanique, comme si les observations sur les fêtes mondaines, la vacuité de l’existence ne pouvaient trouver une autre façon d’être exprimés tant le désarroi est grand. La scène est dépouillée, sombre, la musique d’Antonin Gougeon est grave et répétitive. Il y a quelque chose qui nous aspire, nous empêche de se détacher de ce récit personnel d’une âme troublée mais lucide, tandis qu’on se laisse bercer par les mots durs de cette brillante auteure.

La cloche de verre est présenté au Théâtre Prospero jusqu’au 1er avril 2017.

theatreprospero.com