Scène

La Vie littéraire, stand-up poétique et fou

Mathieu Arsenault présente au théâtre La Chapelle sa pièce La Vie littéraire, une étrange lecture de son livre éponyme mise en scène par Christian Lapointe…

Ce mec est fou. C’est la phrase qui nous vient à l’esprit quand Mathieu Arsenault quitte la scène sous les applaudissements. Pendant trois quarts d’heure, il nous a livré en un long monologue le texte de sa Vie littéraire… sans interruption. Telle une seule et longue phrase, presque dans un même souffle, la réplique de l’auteur se déroule devant un public hébété par la performance. Qu’est-ce qu’il enchaîne! Et il nous étonne par sa maîtrise technique du souffle, de l’élocution, du regard…

C’est que Mathieu Arsenault est un auteur avant tout, et ce spectacle constitue sa première expérience théâtrale. Il a appris par cœur sa très longue partition (publiée en 2014 aux éditions Le Quartanier), et parvient à garder le public accroché par ses variations de rythme, de puissance de la voix, ses jeux de micro. Pourtant il reste figé sur ses deux jambes pendant 45 minutes – ses mouvements incessants de bras sont par contre parfois un peu agaçants, notamment ce geste de passer la main dans les cheveux qu’il répète un million de fois.

Ce qu’il dit? Se glissant dans la peau d’une adolescente qui veut écrire, il parle d’abord de littérature, de lis-tes-ratures, de cette discipline ou art qui se perd, puis de la société actuelle, de la consommation de masse, de l’amour, des gens, des relations, de la vie, de son absurdité, de où cours-je où vais-je dans quel état j’erre… Des questionnements existentiels qui, s’ils sont joliment formulés, manquent d’originalité et nous lassent un peu de par leur ton blasé, désabusé et cynique qui devient la marque de notre époque.

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Écriture automatique et spleen du XIXe siècle

Mais revenons sur la forme, qui vaut la peine d’être soulignée. Car Mathieu Arsenault a une vraie belle plume qui mérite d’être découverte : acérée et poétique, amère et lyrique, pleine d’images et de références, de figures de style flamboyantes et de jeux de mots. Et surtout, on est souvent à la frontière de l’absurde, tant son style ressemble parfois à de l’écriture automatique avec ses étranges associations d’idées.

Le problème de ce stand-up, c’est sans doute ce rythme effréné qui, s’il nous impressionne, nous fait rater des morceaux en route. À peine a-t-on le temps de saisir une jolie formulation poétique, choquante et/ou comique pour s’y arrêter un instant et la savourer que l’auteur est déjà cinq phrases plus loin, chevauchant son texte dans un débit digne d’un slam ou d’un rap inexorable – et sans refrain. Dommage pour cette jolie prose bien ciselée.

Applaudissements. Si l’on croit le spectacle terminé après ces trois quarts d’heure, erreur : l’auteur revient sur scène pour une discussion avec Simon Dumas (de la compagnie Rhizome), une rencontre mise en scène de toutes pièces. Le rythme se ralentit un peu, les longues réponses folles d’Arsenault étant entrecoupées des drôles de questions de son interlocuteur perplexe. Et on ressort après la deuxième fin, sans trop savoir ce qu’on a vu, mais en se disant qu’on a très certainement découvert un bon auteur, qui noie dans sa folie rafraîchissante le spleen du XIXe siècle…

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La Vie littéraire
Jusqu’au 31 mars à La Chapelle – Scènes contemporaines