Scène

Le chant des sirènes: l’appel de Sylvain Émard

Sa dernière pièce a été créée pour sept hommes. À la fin du spectacle, tous tombaient au sol, sauf un: «Je me suis dit, tiens, je prends le relais. Celui qui reste debout, où il s’en va?» Sylvain Émard fait un retour sur scène seul, après 15 ans de silence en tant qu’interprète.  

Le chorégraphe s’est intéressé à l’interprétation solo dès la fondation de sa compagnie, notamment avec Ozone, Ozone (1987) et L’Imposture des sens (1988) qui l’ont mené en Europe pour la première fois. Il a cependant passé 22 ans sans retrouver la création dans ce contexte.

Au cours des dernières années, on lui a demandé de danser en France, puis en Allemagne, avant de recevoir un appel de Francine Bernier, directrice artistique de l’Agora de la danse, qui l’invitait à présenter un solo pour la saison 2017. Une série de hasards qui l’a poussé à créer le présent spectacle.

«C’est quelque chose qui me manquait beaucoup et c’est une façon aussi de faire le point sur mon approche au travail et ma condition de danseur. À 61 ans, on ne danse plus de la même façon. Plutôt que d’y voir que des limites, j’y vois des possibilités.»

Louise Lecavalier, Paul André Fortier, Louise Bédard: Sylvain Émard n’est pas le seul de sa génération à défier l’idée véhiculée qu’un interprète devrait accrocher ses «souliers» après la trentaine. «Je ne suis plus dans la performance, le côté du spectaculaire. Je m’intéresse davantage aux différents liens corporels qui peuvent être tout aussi éloquents qu’une certaine virtuosité. J’ai l’impression d’avoir trouvé de nouveaux chemins dans le corps, et c’est assez réjouissant!»

Au-delà de la recherche formelle, c’est la façon de vivre un mouvement qui anime le créateur. «Je veux amener l’interprète à être complètement investi dans le mouvement, car c’est à ce moment qu’on voit quelque chose se révéler de la personne. Et cela ne peut pas faire autrement que de toucher. Regarder des gens danser sur une piste de danse, c’est un des plus beaux spectacles!»

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photo LePetitRusse

Le chant des sirènes

Sylvain Émard a un regard doux, un visage ouvert sur lequel se dessine facilement un sourire en coin. «Je suis quelqu’un de profondément optimiste malgré le regard très lucide que je peux porter sur la vie.»

Le titre de sa nouvelle création évoque un passage bien connu de l’Odyssée d’Omère: «Je souhaitais faire référence à Ulysse qui a tout fait pour éviter de tomber dans le panneau de la séduction des sirènes pour éviter la catastrophe (…) La société capitaliste essaie de nous endormir en nous rassurant, malgré les avertissements de catastrophe qu’on nous lance d’autres parts.»

À la veille du début des répétitions pour Le super méga Continental, sa prochaine pièce qui rassemblera 375 danseurs amateurs au Quartier des spectacles en juin prochain, Sylvain Émard est serein quand il envisage son avenir en tant que créateur.

«Je n’ai pas de craintes. J’ai plutôt beaucoup de projets en tête. J’espère juste avoir l’occasion de les réaliser. L’aspect positif de l’expérience, c’est qu’elle te donne confiance et te permet de croire au fait que les choses sont réalisables.»

Du 5 au 8 avril
À l’Agora de la danse