Murmures des murs: Conjurer le sort
Après le rendez-vous partiellement manqué de 2015, sa fâcheuse blessure à la jambe survenue au bout milieu de la représentation, puis la grève des transports qui l’a retenue en Europe l’an dernier, Aurélia Thierrée montera sur la scène de La Bordée pour un 3e tour de piste qu’on espère sans heurt.
(N.D.L.R. : Cette entrevue a été réalisée en avril 2016 est restée prise dans les limbes suite à l’annulation des représentations prévues au Carrefour international de théâtre de Québec. L’article que vous lirez ci-dessous n’a jamais pu être publié. Nous le ressortons pour vous aujourd’hui devant la promesse de ce troisième essai qu’on espère fructueux.)
Sa voix douce et gorgée de lumière n’est que très rarement dévoilée en public puisque Murmures des murs est en fait une pièce muette et qu’il en allait de même pour L’Oratorio d’Aurélia. Quoi qu’il en soit, le timbre d’Aurélia Thierrée est identique à l’idée qu’on s’en faisait : gracieux, mutin, sans âge.
Fille de Victoria Thierrée Chaplin, qui conçoit le spectacle, l’élégante artiste multidisciplinaire a grandi à travers les décors du Cirque invisible de ses parents – compagnie qui a par ailleurs laissé une trace indélébile sur le Cirque du Soleil. Enfant de la balle dans la plus pure définition du terme, elle est l’héritière d’un patrimoine créatif qui dépasse l’entendement. Charlie Chaplin et Oona O’Neill, moins légendaire mais joliment immortalisée par Beigbeder dans un de ses plus récents romans, étaient ses grands-parents maternels. Un arbre généalogique qui la prédestinait à une brillante carrière dans le monde du spectacle, mais on s’égare un peu.
C’est sur l’île de Nantucket, romantique ville portuaire états-unienne décrite par Melville dans Moby Dick, qu’on joint la comédienne au téléphone, alors prise par le tournage d’un film dont elle ne révélera rien. L’entrevue complète, bien que charmante, sera nappée de brouillard, de réponses floues. « Ce qui est idéal pour Murmures des murs, c’est un public qui ne sait absolument pas ce qu’il vient voir et qui le découvre sur place. En fait, c’est vraiment un hybride : on ne peut pas dire que c’est du théâtre, ni du cirque ou de la danse. […] Je préfère toujours en parler après que les gens l’aient vu parce que j’ai l’impression que ça enlève un peu de liberté dans l’imagination. »
Funambule de l’entertainment
Elle se tient sur un fil, la charismatique Aurélia, et ce, toute la production durant. Murmures des murs repose sur le risque, de fines ficelles tirées par la comédienne et ses acolytes : Jaime Martinez (danseur), Antonin Maurel ou Manus Jakobsson. Le danger est imminent, les spectateurs de Québec ont été à même de le constater en 2015, et les accidents constituent une probabilité inévitable. « C’est des choses qui arrivent et qui ne peuvent être ajustées. J’espère que ça n’arrivera qu’une fois, je touche du bois. […] C’était malheureux [en 2015] parce qu’on était tellement contents d’être là, tout se passait tellement bien…»
Pour le public, c’est précisément le contraire. Le spectateur est amené à lâcher prise, à laisser ses pensées s’envoler au contact de cette pièce « pour les enfants de 7 à 99 ans ». L’esthétique onirique, on reprend encore les mots de l’interprète, est « un prétexte pour de l’entertainment ».
Entremêlant les thèmes de la mémoire, de la folie et de la perte de repères, le récit prend racine dans le déménagement du personnage principal. D’ailleurs, papier bulle et les boîtes de carton sont omniprésents dans le décor, symboles universels de changements qui ont touché les foules de la Chine et du Japon l’an dernier. Victoria Thierrée Chaplin signe cette scénographie terre à terre et un peu décalée à la fois en plus de la mise en scène et de quelques-uns des costumes. Aurélia nous parle de sa mère avec beaucoup d’admiration : « J’ai l’impression d’aller dans son inconscient à elle et d’essayer, comme une détective, de comprendre, de me créer un chemin à travers ça. Elle a un univers particulier et qui est assez imprévisible. Elle fait les choses sans trop penser et c’est vraiment à la toute fin que ça fait du sens. »
Du 2 au 4 juin au Théâtre de La Bordée
(Dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec)
[vimeo]162573562[/vimeo]