Rain : de nouveaux interprètes pour une œuvre majeure
Scène

Rain : de nouveaux interprètes pour une œuvre majeure

La pièce emblématique Rain, créée en 2001 par la compagnie Rosas, sous la direction de la chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker, a entrepris une tournée internationale avec une nouvelle cohorte de danseurs. Le directeur de répétition Jakub Truszkowski, témoigne d’une œuvre iconique de la danse contemporaine. 

Pour Rain, Anne Teresa De Keersmaeker s’est basée sur Music for 18 Musicians, une œuvre minimaliste pour laquelle son compositeur Steve Reich a utilisé le cycle respiratoire des clarinettistes comme point de départ pour la partition des cordes. Une particularité musicale qui a teinté l’exploration du rapport entre danse et musique au cœur de travail de la chorégraphe. Rain est composé d’une structure géométrique et mathématique à travers laquelle s’exprime un vocabulaire de mouvements circulaires, entrecoupés de lignes droites et angulaires. Soutenue par un rythme musical frénétique et continu, la chorégraphie conduit ainsi le groupe de 10 danseurs à l’épuisement. Une intensité qui entraine une solidarité tant physique qu’humaine sur scène.

Jakub Truszkowski a enseigné la pièce au Ballet de l’Opéra de Paris, avant de diriger les danseurs de la tournée actuelle. Interprète lors de sa création, il en conserve un vif souvenir. «Je me rappelle la peur qui m’animait en pensant à ce qui m’attendait avant de monter sur scène. On repousse nos limites physiques à travers la chorégraphie. C’est comme courir un marathon: on est conscient que cela va être difficile. Il faut tout de même profiter du moment, parce que cela va nécessairement transparaître! Le spectacle est aussi une pièce de groupe magnifique et très dynamique.» Ce qui, selon lui, contribue au caractère authentique et pur de l’œuvre. «Le moment où on atteint notre limite physique nous permet d’apprécier la présence des autres danseurs et l’énergie du groupe qui émane de l’épuisement collectif. Lorsqu’on atteint cet état, on ne se sent plus seul. C’est presque un sentiment de transe vécu avec les autres interprètes et le public chez qui cet effet est généré grâce à la musique et la chorégraphie.»

photo Anne Van Aerschot
photo Anne Van Aerschot

À l’époque, Anne Teresa De Keersmaeker lui avait confié le mandat de créer la phrase interprétée par les trois hommes, ponctuée par de nombreuses descentes et remontées du sol, notamment inspirées par la technique Flying Low du danseur, chorégraphe et professeur David Zambrano. Elle se veut à la fois complémentaire et opposée à la séquence féminine, plus douce et en rondeur, développée par la chorégraphe. La rigueur avec laquelle est composée l’œuvre est révélatrice de la méthode que cette dernière emploie en création, comme en témoigne Jakub Truszkowski: «Anne arrive très bien préparée en studio. Au moment de commencer la chorégraphie, elle a déjà un schéma de la structure de la pièce et une idée très précise de la façon dont elle va se déployer dans le temps. Elle analyse la musique en profondeur et elle sait quelle forme prendra le mouvement et la façon dont seront organisées les sections. Elle arrive avec une banque d’outils de composition qu’elle souhaite mettre à profit. Le processus de création nous permet de tester ses idées et de trouver la meilleure solution lorsqu’on rencontre des problèmes à les exécuter.»

Il aura fallu 7 semaines pour créer la pièce il y a un peu plus de 15 ans et tout autant pour l’enseigner aux danseurs de la distribution actuelle qui a été choisie afin que l’interprétation demeure fidèle à la première diffusion. Même si le travail d’Anne Teresa De Keersmaeker n’est pas narratif, elle prend fortement en considération la couleur, l’énergie du danseur et sa personnalité quand vient le temps d’engager de nouveaux interprètes, explique le directeur des répétitions. Cette approche lui permet de composer un groupe à la fois polyvalent et harmonieux. «Lorsqu’on sélectionne des danseurs pour ce type de projet, on les choisit pour leur capacité physique, mais aussi pour leur qualité d’interprétation. On cherche des personnalités qui sont proches de celles de la distribution originale parce que celles-ci vont se refléter sur la façon dont une personne bouge et réagit.»

Jakub Truszkowski se rappelle les différentes sensations qui l’ont habité comme danseur en interprétant Rain pendant plusieurs années. Une progression qu’il peut dorénavant observer d’un nouveau point de vue depuis qu’il en est le répétiteur. «Les danseurs se démènent pendant les premiers 20 spectacles, puis ils s’améliorent jusqu’à maîtriser le mouvement, ce qui les mène, après un certain temps, à redécouvrir la chorégraphie et à l’approcher différemment. C’est satisfaisant d’assister à cette évolution. Bien sûr, les interprètes actuels font face à un défi différent de ceux de la distribution originale parce qu’ils doivent prendre des rôles qui ont été créés pour et par d’autres personnes. C’est fascinant de les voir s’approprier les mouvements jusqu’à ce qu’ils deviennent les leurs.»

Au Théâtre Maisonneuve, Place des arts

Du 4 au 6 mai

dansedanse.ca/fr/rosas-anne-teresa-de-keersmaeker-rain