How To Disappear Completely: Adieux lumineux
Scène

How To Disappear Completely: Adieux lumineux

Présenté à l’Usine C il y a deux ans, How To Disappear Completely d’Itai Erdal revient au Québec, cette fois au Centre Segal, après une tournée qu’il l’a amené en Europe, au Canada et aux États-Unis.

Itai Erdal n’est pas comédien. C’est du moins ce que l’artiste canadien d’origine israélienne affirme d’emblée avant d’entamer ce spectacle solo où son humour, son charisme et son appétit de vivre en font un conteur d’exception. L’aisance avec laquelle il se livre et interagit avec le public semble innée et bien qu’il ne se considère pas acteur, son monologue captive, fait rire et émeut. Avec candeur et enthousiasme, il présente la véritable vedette de ce spectacle: sa mère.

Après avoir appris, il y a dix-sept ans, que sa mère n’avait plus que quelques mois à vivre, Erdal a pris un vol vers Israël, caméra à la main, déterminé à se rapprocher d’elle dans ses derniers moments, à documenter sa résilience et la détérioration de son état de santé. Ces images devaient servir à créer un film documentaire; Erdal en a fait un théâtre autobiographique. Dans ce qu’il a filmé dans les premières semaines suivant son arrivée, sa famille – sa sœur et son beau-père – se livrent franchement avec leur lot d’opinions et d’émotions différentes sur la vie, la maladie et la mort, qu’elle soit mentionnée ou non. Ces courts moments vidéos en hébreu traduits simultanément vers l’anglais par Erdal sur scène invitent le spectateur dans cet échange qui semble être fait en direct.  Ce procédé simple créé une intimité avec les proches d’Erdal, comme s’ils se livraient directement à nous, tandis que l’artiste s’assure de briser la barrière linguistique.

Les extraits vidéos sont peu nombreux, bien sélectionnés : il n’en faut pas plus pour comprendre la question éthique que posera Erdal tout au long du spectacle. Il présente également son meilleur ami, à qui il demande de raconter la première rencontre avec sa mère pour montrer le respect que cette dernière inspirait aux gens qui la côtoyaient.

Suite à des études en cinéma pour devenir documentariste, Erdal est devenu concepteur d’éclairages. Une passion qu’il transpose à son propre spectacle: pendant la première moitié du spectacle, c’est lui qui contrôlera l’éclairage, façonnera, découpera son visage et son corps au gré des différents tableaux.

La lumière peut en tout temps être vive, éblouir, donner de la prestance, suggérer des états d’âmes, susciter l’émotion. On peut la moduler jusqu’à ce qu’elle diminue, s’affaiblisse, jusqu’à ce qu’elle ne disparaisse complètement, comme l’indique le titre du spectacle. Pour l’artiste, la lumière est éphémère. C’est sur cette fragilité que le spectacle repose, amène des questions sur la mort, la dignité, l’amour, sans tomber dans la psychologie de comptoir. Le texte, co-écrit avec James Long, Anita Rochon et Emelia Symington Fedy, respecte l’énergie débordante et sympathique d’Ital Erdal.

Rien dans ce monologue (et ses conversations «en direct»!) ne cherche à émouvoir à tout prix. À l’aide de simples projections vidéos, de dialogues avec des échanges passés et d’évocations de souvenirs tendres, l’artiste parvient à rendre un hommage tendre et délicat à l’amour maternel. Il passe aisément de souvenirs anecdotiques à des moments plus poignants sans casser le rythme de son éclectique monologue. Beaucoup – parfois trop – est dit à propos de ses amours, son amour du métier, de la lumière, des éclairages. Il y a de ces moments où, pour une oreille peut-être trop peu habituée à un débit rapide en anglais, le texte se perd avec la bande sonore en hébreu. Mais l’amour de la vie et de la lumière est contagieux pour Erdal et c’est ce qui frappe le plus de How To Disappear Completely: une grande affection à l’endroit de sa mère, un appétit de vivre et d’agir conformément à la demande d’un proche qui veut quitter avec dignité. Et parmi tous ces souvenirs qui s’effacent, se perdent, avec la fragilité de l’existence elle-même, l’art peut parvenir à conserver et prolonger la mémoire des êtres aimés.

Présenté au Centre Segal jusqu’au 21 mai 2017