Festival Fringe: Pigé sur le volet
Il y a 70 ans, en Écosse, était fondé le Festival Fringe, comme une proposition parallèle au Festival international d’Édimbourg. Ouvert à tous et proposant des spectacles à prix modiques, ce festival s’est transformé en mouvement qui s’est répandu un peu partout autour du globe. Depuis 27 ans, Montréal propose son propre Fringe, une façon éprouvée de faire vivre l’art et les artistes d’ici.
La jeune Amy Blackmore vit au rythme du festival depuis toujours. «J’ai commencé comme bénévole à l’âge de 17 ans, après j’ai travaillé comme artiste avant de devenir adjointe du directeur du festival en 2008. J’ai pris sa place en 2010 et c’est en 2013 que je suis devenue directrice générale et artistique du Théâtre MainLine et du Fringe.»
Présentant chaque année plus d’une centaine de spectacles en plus de 800 représentations, le Fringe est d’une grande singularité. Les spectacles choisis le sont par tirage au sort, respectant différents quotas quant aux productions sélectionnées – 35% québécois francophone, 35% québécois anglophone, 15% hors Québec et 15% internationaux. Il n’y a donc pas, année après année, une vision artistique claire, si ce n’est celle de la liberté, d’une jeunesse et du dynamisme clair d’une communauté pour qui le festival joue un rôle d’incubateur à projets.
Les productions qui gagnent leur place lors du tirage au sort doivent payer des frais de 650$ pour présenter leur spectacle, mais elles bénéficient d’une salle équipée ainsi que d’un technicien, en plus d’un accompagnement quant à la production et au marketing du spectacle. De plus, toute production étant présentée au Fringe encaisse 100% des revenus de la billetterie, alors que les billets, eux, ne dépassent jamais 10$, qu’importe le spectacle.
«Cette année, on a 103 spectacles avec 800 représentations, sur 272 spectacles qui avaient participé au tirage au sort. Il y a des artistes qui sont finissants d’écoles de théâtre et pour qui le Fringe est une occasion d’avoir une salle équipée, mais on a aussi des artistes professionnels qui viennent au Fringe pour des laboratoires, pour tester des idées. Il y a aussi des artistes qui font la tournée Fringe, se promenant dans plusieurs festivals Fringe à travers le Canada et les États-Unis». explique Amy.
Le Festival St-Ambroise Fringe de Montréal est l’un des 25 Fringe présentés au Canada. Souvent qualifié du plus petit des plus gros Fringe du Canada, il n’en demeure pas moins qu’il est tout aussi particulier que la ville dans laquelle il est présenté.
«Le Fringe, avant d’être un festival, c’est un mouvement. Un mouvement ouvert, démocratique et toujours changeant dans le temps. Tous les festivals Fringe au Canada, en Amérique du Nord et dans le monde reflètent très bien la ville dont ils sont issus, c’est pourquoi le festival Fringe de Montréal est unique, car la ville elle-même l’est. Ç’a commencé comme un festival plutôt anglophone. Ç’a été fondé par deux étudiants à McGill, mais quand le festival a déménagé sur le Plateau, une ouverture s’est créée. Il y a des jeunes francophones en théâtre qui l’ont découvert, et comme c’est un festival qui appartient aux artistes, quand ils ont commencé à se l’approprier, c’est là qu’on a commencé à voir ce métissage. C’était l’un de mes souhaits quand j’ai commencé à y travailler.»
Si au Fringe l’artiste est libre et non censuré, le public, lui, est curieux et fidèle. «C’est un public qui aime prendre des risques, raconte Amy. Les spectacles sont courts et les billets sont peu chers, le festival permet au public de prendre ce genre de risque. En même temps, c’est le public qui décide, année après année, des spectacles qui fonctionnent. Au Fringe, on dit que c’est le bouche-à-oreille qui est le roi, alors que c’est le #FringeBuzz qui est la reine. Et tout ça, eh bien, c’est le public qui le génère.»
Le #FringeBuzz, ce sont ces papiers distribués avant chaque spectacle sur lesquels ceux qui y assistent peuvent inscrire une courte critique et une note avant de les déposer au quartier général du festival ou encore les envoyer sur les réseaux sociaux. Ainsi, ceux qui désirent s’acheter des billets pourront consulter les avis de tout un chacun pour faire un choix éclairé. Au Fringe, les succès comme les échecs, c’est le public qui les dicte.
On peut comprendre que le festival, finaliste au Grand Prix du Conseil des arts de Montréal ainsi qu’hôte du Congrès mondial Fringe tenu pour la première fois hors d’Édimbourg, a autant adopté la ville que l’inverse. Il fallait sentir l’effervescence des fidèles présents lors de la conférence de presse dévoilant la programmation de cette année. Le Fringe, c’est surtout une grande fête artistique et libre, qui donne le coup d’envoi de notre saison estivale, qui assiège un quartier dans des salles méconnues pour nous présenter parfois des bijoux de simplicité. La bonne nouvelle, c’est que vous y êtes tous conviés.
Jusqu’au 18 juin
montrealfringe.ca