53 minutes et 33 secondes de culture générale. On pourrait résumer ainsi cette Conférence de choses présentée dans le cadre du FTA. Un cours magistral sur un peu de tout. Le conférencier – génial Pierre Mifsud – arrive en scène, pose son sac à dos, lance le minuteur, et c’est parti: l’exposé non-exhaustif commence sur un sujet entre architecture et histoire (la Maison Notman en l’occurrence, là où l’on assiste au spectacle en ce mardi), et s’enchaîne sur un élément de culture pop, puis sur un thème plus érudit, etc. Le conférencier évoque pêle-mêle la reine Christine de Suède, l’automobile, la métaphysique, les comètes, la langue des signes…
Cette déambulation dans le savoir, ces connaissances aléatoires, ce monologue en cadavre exquis, c’est une façon de mimer nos promenades virtuelles dans Wikipédia, quand en cherchant une définition on se retrouve à naviguer de lien en lien entre des sujets sans aucun rapport apparent les uns avec les autres. Mais finalement, tout est interconnecté, et tous les liens sont possibles. C’est d’ailleurs ce que nous prouve notre cerveau au quotidien dans ses divagations au fil d’associations d’idées, faisant le grand écart entre cultures savante et populaire.
Au milieu de ces exposés thématiques que le Français Pierre Mifsud livre tel un universitaire – avec tout le sérieux et le comique que cela implique – se glissent des digressions, parenthèses et adresses aux spectateurs. Le comédien sort parfois de son texte pour faire une allusion au lieu, au décor, aux réactions du public… On se surprend à vouloir noter certains éléments de cette vaste culture générale, des anecdotes historiques ou scientifiques qu’on voudrait retenir. C’est que la culture générale, c’est fascinant! Surtout quand elle sort de la classification ordonnée et académique dont on a l’habitude.
Cultiver l’idiotie
Écouter cette Conférence de choses, c’est comme ouvrir un dictionnaire au hasard des définitions. En plus drôle et en plus humain, mais avec le même recul que l’encyclopédie, avec cette objectivité qui met tout au même niveau, ne donnant de hiérarchie que celle de l’alphabet. C’est un spectacle court qui passe vite. Le conférencier nous captive du début à la fin, nous faisant rire de ses sauts du coq à l’âne et de ses transitions plus ou moins naturelles. «Devant un monde qui nous désespère parfois, il est bon de cultiver cet émerveillement, cette naïveté», indique le metteur en scène suisse François Gremaud.
Ce dernier veut cultiver l’idiotie, au sens philosophique du terme: un émerveillement perpétuel et une ouverture sans bornes de la conscience. «L’idiotie est le caractère unique et absolument singulier d’une chose, comme le sont nos ballades, sans cesse renouvelées, au cœur du savoir humain. C’est se laisser émouvoir par la singularité de toutes choses.» Justement, le comédien et coauteur Pierre Mifsud surnomme son comparse «le naïf magnifique». Dans cette Conférence de choses, Gremaud allie comme à son habitude érudition et aspect ludique, le tout dans une mise en scène minimaliste.
La compagnie de Lausanne 2b Company fait sa première visite à Montréal dans le cadre du FTA 2017; on espère l’y revoir tant cette pépite de théâtre pas comme les autres nous ravie. Ce marathon d’érudition pourrait durer à l’infini, et l’acteur le tient tout de même pendant six heures. La conférence est morcelée en six spectacles différents de 53 minutes 33 secondes précises, chacun présenté dans un endroit différent – le lieu en question est le premier sujet abordé. La conférence intégrale sera jouée le 4 juin prochain dès 12h à l’Auditorium de la Grande bibliothèque (avec possibilité d’entrer et sortir en tout temps pendant les six heures). Au vu du plaisir que l’on a eu à suivre ces 53mn33sec de morceau de conférence, le spectacle complet devrait valoir le détour…
Conférence de choses
jusqu’au 4 juin
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