Scène

Josué Beaucage : Vingt-sept couchers de soleil

Les saltimbanques de FlipFabriQue tendent la main au compositeur Josué Beaucage pour la troisième mouture de Crépuscule. Caméléon du son, la coqueluche des gens de théâtre depuis plusieurs années est l’archétype du héros de l’ombre.

C’est un ambitieux spectacle extérieur gratuit, «une espèce de cross-over entre le poétique et le grand public», pour reprendre les mots du concepteur nouvellement repêché par la troupe. Cinquante minutes de culbutes périlleuses, de oh! et de ah! sincères, de genoux qui tremblotent, de mains qui deviennent moites, de touristes et de locaux réunis (fait rarissime) autour d’un même point attraction. Rien, sauf peut-être les têtes d’affiche anglo-saxonnes du FEQ, n’est aussi rassembleur que ça dans le calendrier estival à Québec. Crépuscule, c’est l’occasion de déployer nos talents, de mettre en valeur le travail de gens comme Josué Beaucage qui façonnent, à leur manière, l’identité artistique de la ville.

Porté aux nues ici et outre-Atlantique avec Who Are You, son projet de rock rêveur mis sur la glace à contrecœur, le chanteur a dérivé vers la scène par le hasard d’une relation interposée. En 2009, il rencontre le dramaturge et acteur Raphaël Posadas alors en quête d’une trame sonore originale pour Le «K» Buster. L’onirique pièce, inoubliable par ailleurs, sera l’objet de deux reprises dont une au Périscope et permettra à Beaucage de remporter le prix Bernard-Bonnier de la meilleure conception sonore. «C’est vraiment grâce à Raphaël que le théâtre est entré dans ma vie. Ça aurait pu venir par d’autres avenues, je pense, mais la confiance qu’il m’a donnée m’a porté.» Cette association fortuite fera dévier la trajectoire de Beaucage qui avait, jusqu’ici et en plus de son groupe, travaillé comme chef bruiteur chez Ubisoft puis comme sonorisateur à l’Impérial.

Très rapidement, son nom commence à circuler et des créateurs de tous acabits (danse et cirque inclus) commencent à l’approcher. Il a, depuis, rythmé Je me souviens d’Harold Rhéaume, un tour de force, Hamlet Collage de Robert Lepage et Flots, tout ce que brille voit de Véronique Côté. C’est aussi lui qui a emballé les transitions de spectacles marquants comme Bousille et les justes, qui mettait en vedette Christian Michaud, et Les marches du pouvoir, ce puissant texte de Beau Willimon porté par un Charles-Étienne Beaulne au sommet de son jeu. Il a même épaulé Alan Lake dans sa première pièce (Chaudières, déplacements et paysages), l’offrande initiatique d’une chorégraphie devenue incontournable depuis. Josué Beaucage est partout.

Composer pour le cirque

Écrites à l’arraché, les partitions de Crépuscule sont le fruit d’un sprint à relais en étroite collaboration avec le metteur en scène Olivier Lépine. Un mélomane averti qui patauge dans des eaux similaires à celles de Josué et qui lui a, question d’accélérer le processus, fourni une liste de formations qui l’inspirent. «Il m’a donné une ligne directrice. Un peu de Sigur Rós, de Radiohead, de Galaxie, ça peut rappeler Franz Ferdinand par bouts, y a Jónsi aussi. Plein d’affaires, des trucs plus acoustiques à la Peter Henry Philips, également. […] J’aime pas beaucoup faire ça. Je suis pas en train de dire qu’il y a des tounes qui vont vraiment ressembler à Sigur Rós, mais l’ambiance générale du groupe, c’est quoi? On pourrait dire que c’est ambiant et qu’il y a des progressions souvent très longues. Ces termes-là vont m’aider à composer.»

Les montées rythmiques sont, de toute façon, impérativement indissociables de la musique circassienne pour que la tension des spectateurs et l’adrénaline des athlètes s’intensifient de mesure en mesure. Disposé à parer aux imprévus, attentif aux vrilles de ses collègues casse-cou, le batteur Pierre-Emmanuel Beaudoin s’ajustera aux atterrissages des acrobates en direct chaque soir. «Pour des numbers plus touchy, plus difficiles à réussir, on met une section rythmique qui n’a pas de séquences dessus, explique le chef du petit orchestre complété par le guitariste Christian Poirier. Comme ça, on peut jouer [la pièce] jusqu’à ce qu’ils la réussissent.» Un exercice qui va un tantinet (c’est un euphémisme) plus loin que le fameux roulement de tambour des Shriners et des autres compagnies de la vieille école. Des morceaux épiques de plus ou moins cinq minutes pour dépoussiérer le genre, offrir une vision contemporaine et plutôt rock du cirque sans un énième pastiche d’Alegria.

Du 4 août au 3 septembre
Agora du port de Québec