Le Théâtre de l’Opsis entame le deuxième volet de son cycle scandinave avec cette pièce venue d’Islande, présentée en première nord-américaine au Monument national jusqu’au 8 octobre. L’auteure, Audur Ava Ólafsdóttir, est connue pour le succès de ses romans, dont Rosa Candida (2011), récompensé par le Prix des libraires du Québec. Les enfants d’Adam, sa première pièce de théâtre, pose ses bases comme un classique huis-clos familial : un repas, des secrets de famille, de la jalousie, des rêves frustrés, des problèmes de communication et des générations qui ne se comprennent pas. Pas très original mais toujours savoureux – parce qu’on s’y retrouve tous.
Notre histoire islandaise? Adam est mort. Sa veuve, Élisabeth invite ses enfants à un brunch pour leur annoncer ses nouveaux projets professionnels. Ses filles, qui arrivent prêtes à lui parler de maison de retraite et de vente de la demeure familiale, sont surprises de découvrir la présence de leur frère, absent depuis des années. La scénographie (signée Olivier Landreville) est plutôt sobre : un tas de tiroirs dans un coin qui rappelle le père ébéniste et sa passion pour le travail du bois, et une table de salle à manger et ses cinq chaises, pour figurer la réunion de famille – rassurez-vous, presque personne n’y est jamais assis.
C’est que les comédiens ont besoin d’espace pour bouger. Les répliques qui fusent sont accompagnées de nombreuses déambulations en long et en large de la part de ces personnages qui se vident le cœur. Et entre les dialogues et les adresses au public via le micro, des séquences de danse viennent s’interposer. Les comédiens sortent alors de leur rôle de genre coincé ou de fille mal à l’aise pour se lancer dans des numéros de dancefloor électrisés sur fond de lumières stroboscopiques. C’est qu’Élisabeth adore danser, mais son mari n’aimait pas ça… Ces petits interludes rythment agréablement la pièce, qui nous emmène on ne sait trop où mais le fait bien.
Café de sourds et maison de retraite
Le texte d’Audur Ava Ólafsdóttir est une succession de dialogues où personne ne s’écoute vraiment et où chacun ne veut finalement parler que de lui. Un mur dans la communication symbolisé par ce dialogue qui revient : « – Quelqu’un veut du café? – Non merci. – Quelqu’un veut du café? – Non maman, merci. – Quelqu’un veut du café? – Non merci. – Non maman, merci. – Bon, j’vais en faire… » Les phrases commencent, sont interrompues, les sujets amorcés avant d’être repoussés à plus tard par quelqu’un d’autre qui veut encore parler d’autre chose – lui-même.
L’humour est très (trop) présent dans ces Enfants d’Adam de Luce Pelletier, et on sent que la metteure en scène s’est uniquement appuyée sur le ressort comique pour guider le travail de ses comédiens. Si la distribution est solide (Dorothée Berryman craquante en veuve espiègle, Sébastien Dodge très drôle en genre rigide, Anne-Élisabeth Bossé convaincante en sœur un peu paumée…), le ton est parfois un peu forcé dans l’ensemble, caricaturant au passage les personnages aux traits déjà bien forcés dans le texte. Les thèmes de la pièce auraient permis d’aller parfois plus dans la sensibilité au lieu de chercher forcément à faire rire, un parti pris qui dénote peut-être un peu d’une absence de prise de risques. Car oui, on rit.
Ces thèmes autour de la vieillesse qui font justement que cette pièce parle si bien au public québécois. Comment faire comprendre à ses enfants qu’on peut encore avoir de nouveaux projets et envies passé 70 ans, comment aborder avec ses parents la question de la maison de retraite, comment évoquer l’héritage, le futur? Et surtout : comment faire en sorte que chaque membre de la famille ait bien sa place, à table comme dans la conversation? Bref, on est tous un peu les enfants d’Adam.
Les enfants d’Adam, d’Audur Ava Ólafsdóttir
Mise en scène de Luce Pelletier
Au Monument national jusqu’au 8 octobre