«C’est tout un pan de l’Histoire dont on n’est pas au courant. Le Québec s’est un peu fermé sur ses frontières, depuis le nationalisme des années 1970…» Pour l’écrivain et comédien Jean Marc Dalpé, l’histoire de la pendaison de Louis Riel, l’«Evil Genius», celle de Gabriel Dumont, capitaine de la résistance des Métis et général de Riel, sa fuite aux États-Unis et sa participation aux spectacles de Buffalo Bill méritent d’être connues au Québec, bien plus qu’elles ne le sont aujourd’hui. C’est un peu pour sa fille et le fils d’Alexis Martin que les deux acolytes se lancent dans ce projet. «On s’est dit: “Louis Riel, crisse, quelle bonne histoire!” Mais ça peut pas être écrit par deux gars de l’Est…»
Pour l’écriture, ils décident donc de faire appel à des descendants des quatre communautés concernées: les Français, les Anglais, les Autochtones et les Métis. Un texte qui s’est tricoté pendant près de trois ans et à vingt mains, avec cinq auteurs francophones et cinq anglophones (Maureen Labonté, Yvette Nolan, Ken Williams). «Chacun arrivait autour de la table avec ses préjugés, etc. Tout le monde n’avait pas la même version de l’Histoire», rit Jean Marc Dalpé, qui a participé à l’écriture de cette pièce-monument. «Chaque auteur a sa partition, son moment. Comme tout est construit en numéros, la variété fait partie du genre: un sketch façon Saturday Night Live peut succéder à une lecture de poème.»
Un vrai cirque
Ils parlent d’abord de faire une télésérie avant de revenir à leur premier amour, le théâtre. La forme: un wild west show façon Buffalo Bill, justement. «C’est lui qui a inventé l’entertainment show en Amérique! affirme Jean Marc Dalpé. Pour notre spectacle, on s’inspire du théâtre populaire, cru, c’est proche du cirque et c’est organisé en numéros. Ce n’est pas une pièce historique à la Shakespeare; on n’a aucune prétention de faire du documentaire ou du révisionnisme historique… Au fait, on va sans doute vendre du pop-corn au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Ça sera un vrai cirque!»
À la fois «spectacle à grand déploiement» et «dramaturgie contemporaine», Le Wild West Show de Gabriel Dumont mis en scène par Mani Soleymanlou se construit autour de ce pan d’histoire canadienne qui se déroule entre 1884 et 1885. Le but, en cette année du 150e anniversaire du Canada: briser le silence qui recouvre souvent l’histoire des francophones d’Amérique, particulièrement ceux qui sont hors du Québec. Il est question de nombreux enjeux dans cette pièce, dont l’identité, l’écologie, les relations avec les Premières Nations, la communication…
«C’est incroyable! Dans ce pays un peu fou, on n’arrive pas à se parler…», lâche Jean Marc Dalpé. Pourtant, cette pièce, une coproduction du Théâtre français du Centre national des Arts d’Ottawa, du Nouveau Théâtre Expérimental de Montréal, du Théâtre Cercle Molière de Winnipeg et de La Troupe du Jour de Saskatoon, prouve le contraire. Et plus de 130 ans plus tard, l’Histoire revient sur le devant de la scène.
Le Wild West Show de Gabriel Dumont
Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui
du 31 octobre au 18 novembre