Scène

Conte, amour et mensonge à la Chapelle

« En quoi la tendance à la mythomanie a mystifié le concept amoureux dans les histoires, le cinéma hollywoodien, etc.? Est-ce que l’amour est toujours mythomane? » Des questions auxquelles l’auteur Nicolas Berzi tente de répondre dans Mythomania, sa dernière pièce présentée sur les planches de La Chapelle jusqu’au 25 novembre. On suit Alex de l’enfance jusqu’à LA rencontre amoureuse, à travers différents tableaux qui racontent une tranche de la rencontre par étape. La pièce traite d’Eros et du mythe d’Androgyne en passant par les histoires pour enfants… Des contes de Grimm au cinéma hollywoodien, la société occidentale reste sur les mêmes questions.

« Je réfléchis sur nos façons de nous raconter nos histoires d’amour, de construire nos relations, explique Nicolas. On a besoin de mensonge en amour, c’est un phénomène qu’on a tous vécu. La mythomanie, c’est un phénomène naturel chez l’enfant. Je voulais donc partir de cette psychologie-là pour comprendre l’adulte, ouvrir de nouvelles portes… » Le fantasme amoureux est aussi confronté à la réalité biologique froide de l’amour, du coup de foudre ou de l’âme sœur : tout est une histoire d’hormones. Dans Mythomania, le partenaire évoqué reste flou. La relation pourrait être homo comme hétérosexuelle, et reste ainsi universelle. Elle est avant tout un fantasme amoureux. Si letexte se veut général, la narration se perd un peu dans les réflexions existentielles.

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C’est Livia Sassoli, comédienne et codirectrice de la compagnie Artiste Inconnu, qui se glisse dans la peau d’Alex. L’auteur l’a notamment choisie pour la grande fluidité dans leur collaboration – c’est que les deux artistes travaillent ensemble depuis une dizaine d’années. La comédienne est assistée de nombreux ajouts multimédia. « Beaucoup de choses se passent au niveau visuel, musical, textuel, souligne Nicolas. C’est une expérience intensive de 1h15. » En effet, tandis que le personnage passe de douce enfant habillée en princesse à amoureuse troublée qui se questionne, la scénographie se déploie au même rythme. Un travail assez fouillé et d’envergure pour une création complètement autofinancée.

On passe ainsi du merveilleux au technologique via un travail multimédia autour de vidéos, jeux de lumières, caméras… Mais ces différents supports ne pallient pas pour autant les longueurs dans la pièce, qui peine à accrocher son spectateur. Si de jolies pépites poétiques se glissent dans la prose amoureuse de Nicolas Berzi, le public y cherche en vain un fil rouge. Étudier les mutations de nos relations amoureuses, notamment via l’autoreprésentation sur le web, voilà un résumé prometteur… Mais on ressort malheureusement de la pièce avec l’impression d’avoir tourné au tour du sujet dans un long monologue éthéré.

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Le spectacle est donc assuré par une comédienne seule en scène. « J’aime beaucoup les solos, les pièces à un personnage, car il y a une interaction directe avec le public, notait l’auteur. Avec le monologue on peut jouer plus facilement sur différents registres. » Et Nicolas a décidé d’incarner son personnage amoureux dans une femme : « J’ai toujours eu des héroïnes féminines, ça me permet de ne pas mélanger mon propre vécu à ce que je construis. Je suis plus dans la recherche de la psychologie féminine. » Un thème passionnant, qui aurait peut-être plus gagné à être creusé dans la narration et l’histoire plutôt que dans la forme et le multimédia…