«Ce n’est pas toujours comme ça.» Les pièces du chorégraphe voyagent beaucoup ces temps-ci. Présentée au FTA en juin passé, Some Hope for the Bastards est la première création de Gravel avec un aussi grand nombre d’interprètes sur scène. Une réalité peu commune en danse contemporaine au Québec. Qu’est-ce qui l’a poussé vers cet exercice audacieux?
«J’aime beaucoup les gens. Les artistes avec qui je travaille sont des personnes que je respecte énormément et qui m’inspirent.» Bien que ce grand nombre d’artistes fasse partie de la genèse du projet, cela a obligé le chorégraphe à «être inventif» et à faire des compromis pour respecter les budgets de création. Sa présence sur scène en tant que musicien était d’ailleurs une heureuse solution, dit-il à la blague: «Je coûte pas cher, parce que je suis déjà là!» Le directeur musical, Philippe Brault, a bien voulu l’accepter dans son band, une place qui lui permet de vivre le buzz du spectacle et de l’incarner, tout en maintenant «une distance de la chorégraphie».
Contrairement à ses autres pièces qui étaient structurées par vignettes, celle-ci se déploie de manière plus évolutive. Dans ce «concert chorégraphique» où musique et mouvements se donnent la réplique, les neuf danseurs alternent entre duo, trio et configuration de groupe dans une gestuelle puissante et rythmée, signature que l’on reconnaît bien du créateur. Même s’il se définit comme chorégraphe, il s’intéresse aussi à la musique quand il construit un spectacle afin que les deux disciplines soient au «service de l’œuvre» et pour éviter que l’une d’entre elles prenne le dessus. «C’est souvent la musique qui me fait bouger en studio. Des fois, j’utilise de la musique originale, des fois, c’est plus des albums qui me branchent. Ça me permet d’en discuter avec les compositeurs.» Son grand défi pour ce type d’approche est celui de «communiquer des intentions» afin de laisser suffisamment de place à l’inconnu qui favorise la création tout en conservant une direction claire.
Le titre Some Hope for the Bastards évoque un thème assez fort, mais Gravel ne prétend pas faire des spectacles «à propos de quelque chose». Il décrit ses spectacles comme le symptôme d’une situation. C’est davantage une «émotion, un état général» qui est celui de la culpabilité et de l’impuissance face aux privilèges dont il bénéficie. Par exemple, la chance de vivre dans un pays développé ou encore d’être un homme blanc dans une société qui discrimine encore trop. «Je sens que tout nous échappe, même de la part des chroniqueurs, des éditorialistes; on participe à ces inégalités même si on se sent spectateur. On est complice d’un ordre du monde, même si ce n’est qu’en lui obéissant mollement.» Il n’a pas la prétention de pouvoir «changer le monde avec une œuvre», mais il propose, avec cette pièce, une fenêtre pour «garder espoir en quelque chose».
Les 29 et 30 novembre à 20h
À l’Usine C