«Leonard Cohen, c’est un de mes vieux projets. Alors que je dansais aux Ballets Jazz de Montréal, je rêvais de danser sur sa musique…» Il y a trois ans, quand on a demandé à Louis Robitaille, le directeur des Ballets Jazz de Montréal (BJM), de déposer un projet pour le 375e anniversaire de Montréal, il n’a pas hésité longtemps. D’autant qu’il fallait un projet phare pour cette année qui marque aussi le 150e anniversaire du Canada, le 45e des BJM et le 20e de Danse Danse. «On connaît l’icône qu’est Monsieur Leonard Cohen… J’étais en période de réflexion pour la prochaine étape de travail aux BJM, et je pensais beaucoup à une soirée intégrale, concept dont on s’était un peu éloignés pour créer plutôt des programmes mixtes.»
C’est ainsi que naît Dance Me, qui sera présenté du 5 au 9 décembre à la Place des Arts à Montréal. À l’époque, le chanteur montréalais donne son aval au projet, enthousiaste à l’idée d’un spectacle de danse autour de son œuvre – et qui ne parle pas de sa vie. «Parmi les nombreux projets sur lui qui lui ont été présentés, il en a accepté deux: le nôtre et celui du Musée d’art contemporain», indique fièrement Éric Jean, dramaturge et metteur en scène de Dance Me.
Différents langages
Le spectacle reprend 17 chansons du répertoire de Leonard Cohen. Certains titres se sont imposés, notamment les classiques, tandis que d’autres sont des coups de cœur du duo qui dirige le projet. «C’était important de travailler avec toutes les étapes de la création du chanteur, et pas juste ses premières chansons. Cohen nous avait donné cette indication: ne pas utiliser seulement ses hits, souligne Éric Jean. Le spectacle se construit en cinq parties, cinq saisons qui font référence aux différentes étapes de la vie d’un homme. La dernière a pris un sens encore plus symbolique et important avec le décès de Cohen. On utilise notamment les chansons de son dernier album, qui font beaucoup référence à la mort.»
Ces chansons ont été distribuées à trois chorégraphes, Annabelle Lopez Ochoa, Andonis Foniadakis et Ihsan Rustem – les deux premiers ont déjà travaillé avec les BJM, mais le dernier en est à sa première collaboration. Les concepteurs ont ensuite rassemblé ces créations pour qu’elles se placent en contraste, se répondent. «Les chorégraphes ont des voix propres et singulières, mais il y a aussi une complémentarité entre eux, note Louis Robitaille. On a voulu trouver un rythme différent selon les chansons, apporter aussi d’autres couleurs, d’autres éclairages… plus de nuances. On a créé un tout avec ces différents langages, ça n’est pas un patchwork de numéros. On tente de créer un parcours, une courbe dramatique qui n’est pas pour autant une histoire.»
Voir la musique
Un hommage dansé, rien de tel pour honorer l’artiste multidisciplinaire qu’était Leonard Cohen, et une façon de faire exister le chanteur sur scène. Pour Dance Me, les quatorze danseurs de la compagnie participent au spectacle, dont trois danseuses qui symbolisent les muses du poète. «En voyant les danseurs performer, on n’entend plus les mots de la même manière. On voit la musique, assure le directeur artistique des BJM. On n’est jamais dans l’illustration pour autant, ce n’est pas un vidéoclip…»
Ce spectacle marque en outre un vrai tournant pour la compagnie, qui s’entoure d’une grande équipe de collaborateurs aux éclairages, vidéos, etc. «On va cette fois un peu plus loin dans l’aspect théâtral. C’est évidemment un spectacle de danse, mais qui flirte beaucoup avec d’autres disciplines», explique Éric Jean. En effet, Louis Robitaille a notamment été chercher le metteur en scène pour qu’il amène une ligne dramaturgique au projet. Les deux hommes ont suivi au plus près l’œuvre de Leonard Cohen, qui a travaillé jusqu’aux derniers jours de sa vie. «C’est une grande peine de savoir qu’il ne verra jamais le spectacle, conclut Éric Jean. Et quelle déchirure d’avoir perdu un artiste semblable! Je le croyais éternel, Monsieur Cohen…» To the end of love.
Dance Me
Musique de Leonard Cohen
Du 5 au 9 décembre à la Place des Arts