Clara Furey est arrivée à la danse un peu par hasard, d’abord motivée par l’envie d’être en contact avec son corps et celle de dépenser le trop-plein d’énergie qui l’habitait à la fin de ses études au Conservatoire de musique de Paris. Une fois diplômée de l’École de danse contemporaine de Montréal à l’âge de 20 ans, elle a côtoyé les chorégraphes George Stamos et Benoît Lachambre, qui ont joué un rôle important dans son approche de la création. Ces dernières années, le public est tombé sous son charme alors qu’elle interprétait le rôle d’une Juliette contemporaine, décomplexée et fougueuse aux côtés de Francis Ducharme, dans La très excellente et lamentable tragédie de Romeo et Juliette, mise en scène par Jérémie Niel et chorégraphiée par Catherine Gaudet. Bref, sa carrière d’interprète se portait bien. Elle a pourtant refusé des contrats pour se consacrer aux pièces qu’elle présente cette année et à un nouveau projet de cocréation qu’elle entamera sous peu avec Céline Bonnier. Pourquoi cette décision radicale de s’investir en création? «Ça me rend heureuse tout simplement. J’ai l’impression d’être sur mon “X” quand je fais ça.»
Bien qu’elle flirte avec la création depuis 2003, on sent qu’elle assume cette direction plus clairement depuis la pièce Untied Tales, signée avec son partenaire de vie, Peter Jasko. «Tout ça vient avec beaucoup de chance, parce qu’on me laisse des portes d’entrée.» Ces portes, ce sont entre autres celles de la Biennale de Venise où la pièce a été présentée en juin passé. Ce sont aussi celles du Musée d’art contemporain de Montréal où l’artiste offrira 90 performances autour du poème When Even The de Leonard Cohen. Ce sont celles de Danse Danse qui lui a proposé d’explorer, pour la première fois, la création de groupe en coproduisant Cosmic Love. Ils seront sept interprètes sur scène, en comptant la chorégraphe et son collaborateur de longue date, son «meilleur ami» et son frère, le musicien Tomas Furey. «Sans “h” pour Tomas», précise-t-elle chaque fois en entrevue, dans un souci protecteur.
Travailler en famille va de soi pour l’artiste. Elle est également loyale à ses collaborateurs, comme Alexandre Pilon-Guay qui conçoit les éclairages pour sa nouvelle création. Chaque discipline coexiste dans Cosmic Love, elles ne sont pas au service de la danse, mais plutôt à l’écoute de l’une et l’autre. C’est un dialogue d’empathie, explique Clara Furey, qu’elle engage aussi avec les danseurs Simon Portigal, Winnie Ho, Peter Jasko, Benjamin Kamino et Zoë Vos. «Je ne sais pas pourquoi, mais je l’ai nommée Cosmic Love il y a très longtemps et c’est vrai qu’il y a plein d’amour qui émane de cette pièce assez abstraite. C’est une danse du vide, dans laquelle on le fait résonner.»
L’espace tient ainsi une place prépondérante, et ce sont les forces invisibles qui prendront la parole avant un mouvement virtuose. L’artiste a abordé la création en s’inspirant de phénomènes physiques, de leurs représentations intuitives et poétiques. «Quelle est cette spirale, cette rigueur cosmique qui nous unit tous? Que signifie tomber dans un trou noir ou être en orbite? On créait des textures qui nous rappelaient ces idées.»
Chaque section de la pièce se veut «hypnotisante» afin de «toucher le public par des vagues de sensations» et lui permettre d’entrer dans un univers où il se sentira impliqué. Dans cet esprit, Clara Furey lui donne la possibilité de recevoir sa proposition sans pression. «J’aimerais que l’œil du spectateur, même au théâtre, ne soit pas stressé par une demande d’écoute. On peut partir dans ses pensées, rêver et revenir à la pièce… Pour moi, ce n’est pas grave.» On le fait d’emblée quand on entre dans une exposition, en choisissant son rythme, son heure d’arrivée et le moment de passer d’une salle à l’autre. La série de performances présentée dans le cadre de l’exposition Leonard Cohen: une brèche en toute chose lui permet de vivre ce phénomène pleinement. Sensible à l’art visuel, Clara Furey transporte ainsi «la chorégraphie au musée et l’aspect performatif d’une exposition au théâtre».
Cosmic Love est le mandat le plus «fou» qu’elle a accepté dans sa carrière. Une pièce qui sert de véhicule à l’artiste afin de partager ses croyances profondes. Dans une perspective «quasi spirituelle», la pièce est une ode à cette énergie présente dans le vide, à ce qui existe au-delà du regard, à l’idée que «nous sommes tous interconnectés».
Cosmic Love
les 6, 7, 8, 9, 13, 14, 15 et 16 décembre 2017
Danse Danse
5e Salle de la Place des Arts