Scène

Crystal : le Cirque du Soleil perd de son éclat

La première montréalaise du nouveau spectacle de la très acclamée compagnie de cirque avait lieu ce mercredi soir au Centre Bell. Cette fois, le cirque se fait sur glace… 

Un show de pop star. C’est à cela que ressemble l’esthétique de Crystal, tout en plastique et couleurs pastel. Tout est léché et travaillé à la perfection, jusqu’au salut final chorégraphié : sons et lumières, décors changeants, imposant château de glace, costumes variés… Les éclairages, jouant avec la patinoire du Centre Bell, transforment un fond marin en salle de bal ou en aréna de hockey. Un vrai gros spectacle très divertissant, idéal pour une sortie en famille pendant le temps des fêtes.

C’est peut-être un peu trop jeune public, justement. L’histoire, un peu floue, suit une ado rêveuse incomprise par son entourage. Pouf, elle tombe sous la glace et visite un monde étrange où se succèdent des employés de bureau (?), son double maléfique, des danseurs qui valsent… Une voix off tente de tracer un fil conducteur difficile à suivre, avec des monologues psycho-oniriques sur la quête de soi qui nous laissent souvent perplexe. Au milieu se glissent des tableaux sans rapport avec l’histoire (l’excellent quatuor comique de danseurs-patineurs).

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Les tableaux se succèdent, trop vite, ne laissant pas le temps d’exploiter d’un point de vue circassien le décor et les accessoires ; on reste souvent sur sa faim, surtout avec toutes ces installations qui auraient permis beaucoup plus de création. C’est beau à regarder comme un vidéoclip de Katy Perry, pop, bonbon et sucré, ambiance Barbie. Pop jusqu’à la musique, avec une trame très éclectique qui mêle du jazz et de l’instrumental folk et klezmer à des reprises de Beyoncé ou Sia (du nouveau dans les bandes-son du Cirque du Soleil).

Pour sa 42e production, la compagnie est allée chercher quelques excellents patineurs (patinage artistique, free-style, de hockey ou danse sur glace), mais on regrette que le patinage et les chorégraphies – si bien montées soient-elles – éclipsent les numéros de cirque, trop peu nombreux. Les prouesses des acrobates sont noyées dans les danses. Un spectacle un brin trop chargé? De même, le plateau est très souvent plein de patineurs et acrobates et tout fourmille dans tous les sens.

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Et le cirque dans tout ça? Les disciplines circassiennes sont-elles si pauvres et peu nombreuses qu’il faut aller chercher du BMX ou du patinage? Il n’empêche, on a vu quelques belles choses : du jonglage en duo très bien maîtrisé, un épatant numéro de trapèze à quelque dix mètres de hauteur (et avec patins à glace s’il vous plaît), des mâts chinois pendulaires, ou encore ce beau numéro d’équilibriste sur pyramide de chaises. On a aussi beaucoup aimé le clown, clin d’œil au cirque traditionnel. Aussi comique que talentueux, il a su réchauffer un peu l’ambiance par ses passages récurrents.

On salue la performance de la troupe au complet, qui doit assurer un spectacle sur glace avec toutes les difficultés inhérentes – les costumes très élaborés comprennent notamment du polymère et du kevlar pour résister à l’eau et aux lames des patins. Un plus aussi pour les musiciens live, aux claviers, violon, instruments à vent et guitare.

Malgré cela, l’œil est trop souvent attiré par les chorégraphies autour et les nombreux artistes présents sur scène, et on ne sait où se donner de la tête. Bref, les vrais amateurs de cirque se trouveront plus rassasiés par un spectacle à la TOHU. On ressort de Crystal en ayant l’impression d’avoir vu une comédie musicale, un Disney on Ice ; tiens, le Cirque du Soleil annonçait justement  il y a peu un prochain spectacle autour des succès de Disney… On y est presque.

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