Temporel : une fable multidisciplinaire
Scène

Temporel : une fable multidisciplinaire

Les 7 doigts de la main et Lemieux Pilon 4D Art signent la mise en scène d’un spectacle à la croisée du cirque, du théâtre et de la poésie numérique.

Michel Lemieux et Victor Pilon ont fait de la technologie leur terrain de jeu. Familiers avec le travail de création collective, ils ont collaboré une première fois avec Patrick Léonard et Shana Carroll, codirecteurs artistiques des 7 doigts de la main, lors de la conception de l’expérience Cité Mémoire dans le Vieux-Montréal. Cette rencontre a fait naître l’idée d’un projet commun, explique Michel Lemieux, cofondateur de Lemieux Pilon 4D Art: «Tout ça vient d’un désir de faire de la création ensemble et je pense que ça paraît dans le spectacle. Il y a vraiment une rencontre à tous les niveaux; une rencontre de deux univers, de deux compagnies d’artistes qui travaillent en multidisciplinarité et une rencontre dans l’histoire du spectacle.»

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Sur le thème du passage du temps, Temporel met en scène l’histoire d’un personnage âgé qui revisite ses souvenirs dans le désordre, suite au décès de sa femme. Lui (Patrick Léonard), Elle (Isabelle Chassé) et le Temps (Gisle Henriet), les trois personnages présents physiquement et virtuellement sur scène, ne sont pourtant jamais nommés. «Elle et Lui se sont rencontrés à un très jeune âge, précise Isabelle Chassé, co-metteuse en scène du spectacle et interprète. Ils ont passé presque toute leur vie ensemble. Je suis un peu son contrepoint. C’est ce qui lui amène un équilibre dans sa vie. Lui est un personnage plus cérébral alors qu’Elle est un personnage plus physique. À un moment, on comprend qu’il me perd et qu’il m’a perdu plusieurs fois dans la relation. Il ne m’a pas forcément perdue dans le sens de la mort, mais plutôt dans le sens où, dans une relation très longue, il arrive qu’on ne se rejoigne plus. Ça dure parfois un mois, des fois un an, des fois deux jours… On se perd souvent comme ça.»

Le troisième personnage de la pièce est un horloger qui personnifie le temps et les nombreux rôles qu’il a pu jouer sur la vie du personnage principal. Avec un ton à la fois léger et dramatique, le Temps illustre plusieurs métaphores, explique Isabelle Chassé: «Le temps qui va essayer de réparer les pots cassés, le temps qui va nous mettre des bâtons dans les roues, le temps qui va nous faire prendre conscience de notre mortalité, le temps qui va nous presser, nous filer entre les doigts…»

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La scène, dotée de trappes et disposée en angle, permet de créer des illusions, alors que les hologrammes numériques servent à propulser le spectateur dans les souvenirs de Lui. On présente un monde qui vacille entre rêve et réalité, où la musique de Julien Mineau, joue un rôle prédominant. Malgré la nature multidisciplinaire et l’idée du spectacle virtuose qu’on peut se faire d’une telle proposition, c’est l’humain qui demeure au cœur de l’expérience, souligne Michel Lemieux, co-metteur en scène de Temporel. «On a envie de voir des humains vivre des choses qui vont nous toucher en tant qu’humain. Pour nous, travailler avec la technologie, ce n’est pas de la glorifier, c’est de s’en servir et de la faire disparaître.» C’est d’ailleurs l’intime qui prime sur le spectaculaire. Les créateurs souhaitent susciter l’émerveillement grâce aux dispositifs technologiques: «C’est une clé pour mettre les gens dans un état où ils vont être moins cartésiens. Victor et moi disons souvent que l’on fait des spectacles hallucinatoires sans effets secondaires. On convie toujours les gens à faire un grand trip onirique! On travaille beaucoup dans l’instinct, l’émotion et la théâtralité, et c’est exactement ce que les 7 doigts de la main font à leur manière.»

Cette similitude dans l’approche artistique des quatre metteurs en scène a d’ailleurs servi le processus collectif de création. «Il y a quelque chose de très québécois dans cette capacité de faire des créations collectives. Je pense que ça vient de notre ADN culturel. Dans notre façon de communiquer; notre culture nous amène d’abord vers le «oui». C’est important en création parce qu’il faut être ouvert aux idées des autres. (…) Les idées deviennent plus intéressantes encore parce qu’on a pu les discuter et les raffiner.»

Jusqu’au 27 janvier 2018
Cinquième Salle de la Place des Arts de Montréal
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