Espace Go : Nouveau théâtre pour nouvelles écritures
Entre labo multimédia et costumier traditionnel, l’Espace Go ouvre les portes de ses locaux rénovés pour une nouvelle saison…
Ça faisait sept ans que le projet était sur la table. Après avoir rassemblé le budget (6 millions de dollars, dont 3 octroyés par le gouvernement fédéral en février 2017), l’équipe de l’Espace Go a enfin lancé les travaux en mai dernier. Le théâtre du boulevard Saint-Laurent avait en effet besoin de réparations, 23 ans après ses dernières rénovations. Le 20 février prochain, le nouvel Espace Go sera prêt à accueillir à nouveau son public: salles de bain et hall d’entrée redessinés, circulation du public améliorée pour les personnes à mobilité réduite, sièges et gradins remis à neuf, chauffage et climatisation revus… «Le public va retrouver l’Espace Go comme il le connaît, mais amélioré», précise Ginette Noiseux. La directrice générale et artistique du théâtre a supervisé de près tous les travaux: «J’ai une formation de scénographe, donc j’adore ça!»
À l’étage des bureaux, les pôles administration et création ont été rassemblés dans la même aire ouverte, contrairement à l’ancienne disposition, pour favoriser les échanges. Quant à la salle de spectacle, si elle a été réparée et remise aux normes du jour, il n’était pas question d’y toucher plus. «Les artistes l’aiment, le public l’aime, explique la directrice. Pour créer un rapport d’intimité, il faut que l’espace public soit aussi grand que le plateau. Ici, la salle est très grande; notre plateau est pratiquement aussi grand que celui du Théâtre du Nouveau Monde. Mais étant donné les proportions de la salle, on a l’impression quand on rentre ici que c’est une salle intime. En fait, c’est une fausse petite salle…»
Théâtre 2.0
Une deuxième phase de travaux suivra, consacrée cette fois à l’agrandissement du théâtre. De nouveaux espaces vont être construits dans l’aire de stationnement: une salle de répétition, des loges agrandies, mais aussi un laboratoire technologique dédié à la recherche multimédia, qui sera équipé de matériel de sonorisation, toile verte, consoles et régie. «Beaucoup d’expériences nous étaient difficilement accessibles parce que trop chères à monter. Et il y avait des choses qu’on ne pouvait pas présenter, car il s’agissait de distributions à 18 comédiens… On a donc développé des affinités sélectives pour certains textes», indique Ginette Noiseux. Le labo va maintenant leur permettre de faire du podcast, du montage vidéo, des enregistrements… «On va pouvoir poursuivre notre recherche en étant beaucoup mieux équipés.» L’équipe a aussi profité de cette modernisation pour passer d’une façon de faire à une autre, et abandonner le papier au profit du numérique. Archives et outils ont ainsi été numérisés au fil des mois.
L’autre ajout, c’est un atelier de costumes, espace auquel la directrice tient beaucoup. Comment couper une manche gigot du 19e siècle? Comment travailler le cuir, la teinture, les chapeaux? «C’est le patrimoine invisible. Les moyens pour faire tout ça ont disparu, et le savoir-faire est en train de disparaître aussi. Ici, on pourra maintenant faire ce travail d’artisanat, une tradition importante», insiste Ginette Noiseux. Pour sa dernière production comme conceptrice, elle avait en effet transformé sa maison en atelier, jusqu’à la baignoire…
Les nouveaux bureaux, quant à eux, serviront à accueillir dès le mois d’août la compagnie UBU qui reste à demeure, mais aussi la compagnie Porte-Parole dirigée par Annabel Soutar, pionnière du théâtre documentaire au Québec. «L’idée, c’est vraiment de créer une émulation. La transmission entre les générations va dans les deux sens, c’est une addition des compétences. La rencontre entre une Stéphanie Jasmin et une Sophie Cadieux, c’est ça qui m’intéresse…»
«L’Espace Go est un centre qui se consacre à soutenir l’évolution de la pratique. Et le concept architectural raconte ça aussi, souligne Ginette Noiseux. En direction artistique, il y a deux pôles: l’abri qu’il faut offrir aux artistes pour créer à l’écart des consensus, et tout le travail avec le public pour développer une curiosité pour les productions des artistes.» Les nouvelles constructions démarreront en mars, mais n’interféreront pas avec les activités du théâtre. Et la directrice de prévenir: «Faudra pas que le public s’étonne en venant au théâtre début février si la billetterie n’est pas terminée… Mais tout sera prêt pour le 20 février!»
Portraits de femmes
C’est donc le 20 février que s’amorcera la 39e saison théâtrale à l’Espace Go, avec Les Marguerite(s) de Stéphanie Jasmin et Denis Marleau. Une pièce en triptyque sur l’auteure du 14e siècle Marguerite Porete et les homonymes qui lui ont succédé, qui mettra en scène Céline Bonnier, Évelyne Rompré et Sophie Desmarais, mais aussi la danseuse et chorégraphe Louise Lecavalier. S’en suivront l’opéra de chambre a cappella Svadba d’Ana Sokolović et La vie utile d’Evelyne de la Chenelière, qui marquera le retour de la metteure en scène Marie Brassard à l’Espace Go. «Les Marguerite(s) et La vie utile se font écho, et elles sont très emblématiques de l’Espace Go, analyse Ginette Noiseux. C’est une saison qui décolle du quotidien, de l’actualité immédiate. Les artistes s’interrogent sur la beauté… »
Une saison accompagnée des belles affiches signées par Cossette; cette campagne est d’ailleurs la dernière réalisée pour le théâtre par l’agence. Au fil des dix dernières saisons, Cossette a remporté de nombreux prix grâce aux visuels créés pour l’Espace Go (trois Grands Prix Grafika, trois Prix Grafika, deux distinctions au concours Applied Arts Design et un Prix Créa). Toujours dans la série des Portraits de femmes, les visuels de cette saison montrent les visages des différentes comédiennes émergeant de l’eau. Comme un baptême – qui illustre bien la renaissance du théâtre. «La nouvelle saison va être très forte; le public va être au rendez-vous. Comme le théâtre à l’italienne est à Molière et le théâtre élisabéthain est à Shakespeare, l’Espace Go est aux nouvelles écritures…»