Harold Rhéaume : Ondulations polyphoniques
Scène

Harold Rhéaume : Ondulations polyphoniques

Un procédé de création inusité, né d’un puissant désir de communion. Le chorégraphe Harold Rhéaume fait à nouveau le pont entre son art et le public avec P.artition B.lanche, une pièce délicatement brodée en résidence.

La notion de partage est au cœur de ses œuvres. On pense à ses spectacles extérieurs (Le fil de l’histoire, Je me souviens) qui, déjà, permettaient au chorégraphe de Québec d’établir un contact, de tisser des liens avec le grand public, afin d’amener ce dernier à démystifier la danse, cette forme d’expression souvent boudée, car mal comprise.

C’est ce besoin de cohésion qui a inspiré Harold Rhéaume à créer différemment. P.artition B.lanche est le fruit d’un travail méticuleux développé en résidence, où les spectateurs figuraient au cœur du processus, émettant réflexions, commentaires et questionnements. Des apprentis chorégraphes, en quelque sorte. «Mes danseurs sont très généreux. Ils ont accepté de faire ce genre de processus de création, ouvert avec le public. Ç’a amené des échanges très riches entre les spectateurs et l’équipe de création.»

Ouvrir le dialogue avec le public, afin de percevoir ce qui le touche, ce qu’il ressent, ce qu’il aime (ou pas). Ces rencontres ont non seulement permis à Rhéaume de récolter suffisamment de matériel pour compléter sa création, mais aussi de tâter le pouls et constater en simultané les impacts de ses actes. «Les gens pensent que c’est facile, la danse. C’est tellement fluide, ça coule… Mais il y a vraiment beaucoup de travail derrière ça. Un simple changement d’éclairage peut affecter la lecture, la compréhension de la pièce.»

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photo : Le fils d’Adrien danse

Les résidences de création, implantées dans quelques villes de la région de Québec en 2016-2017, ont également adouci le choc de la première. «Ça enlève un peu la nervosité qu’on a quand on est sur scène.» Toutefois, les danseurs ont dû s’ajuster et partager leur chorégraphe avec le public. «Au début, c’était une adaptation, mais très vite, ils ont vu les bienfaits que ça apportait à l’expérience, et à eux aussi.»

Concerto pour deux

Un territoire virginal, immaculé, où tout est à forger, à construire; où la peur de l’inconnu est rompue par l’imprévisible et la spontanéité. Puis, la rencontre entre deux êtres. Entre deux corps. Interaction. Entrelacement. Mouvement.

Cet élan qui mène à la relation avec l’autre est le fondement de l’œuvre de Rhéaume. «Je pense qu’avec le processus de P.artition B.lanche, il y a quelque chose de cet ordre-là, d’interdépendance, ou plus une forme d’attachement, de développer avec le public une relation de confiance avec l’artiste de la danse», raconte le chorégraphe passionné et voué au développement de son art. «J’avais un besoin encore plus grand de parler d’empathie, de parler de partage, de faire ensemble, de construire ensemble un monde meilleur. Dans P.artition B.lanche, c’est particulièrement présent.»

Sa nouvelle pièce porte donc en elle la trace de toutes ces âmes qui ont pris part à ce grand «potluck» créatif. Un processus unique, selon le fondateur de la compagnie Le fils d’Adrien danse. «Je ne connais aucun autre chorégraphe qui a créé une pièce complète à 80% devant public. Il y a un côté un peu novateur dans ça, mais c’est très à l’image de ma démarche artistique.»

Symphonie charnelle

Talentueux et prolifique – il a mis sur pied près d’une vingtaine de créations –, Harold Rhéaume est non seulement chorégraphe et interprète, mais il cumule les titres d’enseignant, de conférencier, d’animateur et de conseiller artistique. Il a également produit une myriade de chorégraphies pour des théâtres, des opéras, des écoles, des maisons de danse et d’autres grosses pointures du milieu culturel.

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photo : Le Fils d’Adrien danse

Fortement impliqué au sein de la communauté de la danse à Québec – il a contribué à l’édification de la Maison pour la danse, qui a célébré son ouverture en septembre 2017 –, Rhéaume souhaite ardemment démocratiser son art. «La danse, c’est pas une forme de show qu’il faut comprendre avec sa tête, mais il faut le recevoir avec ses émotions, même avec son corps. Juste de recevoir les mouvements dans son corps, et donc de relâcher un peu, s’abandonner. Lâcher prise sur ce désir constant de comprendre tout avec sa tête.»7

P.artition B.lanche, «une expérience fabuleuse de création», selon Rhéaume, aura facilité cette compréhension de la danse. Au point où le chorégraphe songe à répéter la même technique lors de ses futures réalisations. «C’est drôle, on dirait que j’ai créé un précédent, parce que j’ai de la misère à m’imaginer créer différemment!»

Du 13 au 15 février
Au Théâtre de la Bordée

Une présentation de La Rotonde

Quand la danse s’invite au musée

Un tête-à-tête entre les arts visuels et la danse se tiendra ce printemps au Musée national des beaux-arts du Québec avec Empreintes mouvantes, danser Giacometti, une création originale produite par Le Fils d’Adrien danse. S’entrelaçant avec l’exposition Alberto Giacometti, le parcours chorégraphique conçu par Harold Rhéaume sera présenté en trois temps et mettra en lumière une sélection d’œuvres du sculpteur et peintre suisse. Fortement inspiré par ses bronzes filiformes, similaires au corps en mouvement, le chorégraphe souhaite abolir les frontières entre le public et l’artiste en proposant aux visiteurs de s’engager dans cette expérience de proximité avec la danse. Les 21 et 31 mars et le 21 avril, au MNBAQ. (Julie Bouchard)