Viriditas : La résistance de Margie Gillis
Après des années de recherche sur la nature, la chorégraphe présente enfin le résultat de sa quête à l’Agora de la danse. Viriditas se construit autour de trois solo et nous parle d’une conscience féminine dans une proximité avec la nature.
Cette mise en scène de la femme s’ancre dans une actualité brûlante et une prise de position politique. Tout est engagé chez Margie Gillis, qui croit qu’on doit toujours embrasser les inquiétudes qui nous entourent. Viriditas est l’expression du corps dansant féminin à travers les générations, mais aussi d’une conscience féminine et d’une quête de liberté.
Les inquiétudes sociétales viennent de tout côté et il ne reste rien, à part une forme de résistance qu’on retrouve, vibrant, dans chaque tableau présenté. Avec ses deux complices, Paola Styron et Troy Olgivie, Margie Gillis nous donne à voir une quête individuelle, mais aussi collective. La danse comme acte de résistance.
Les trois solo se lisent comme un rituel sacré où les interprètes ont toutes une brèche en elles et dans laquelle perce ce désir d’exister dans l’espace qui leur est donné. Et il n’est pas étonnant que Gillis cite Leonard Cohen.
Sortir de soi
Sur une scène dénudée avec des projections d’images captées en pleine nature, c’est d’abord Troy Olgivie, la plus jeune des trois, qui partage ce besoin de laisser sortir ce qui se cache au creux du ventre. Ce premier solo s’exécute avec une volonté insolente et une légèreté joueuse, traduites par une série de sauts, de mouvements bruts, de déplacements circulaires sur fond de musique celtique. On a l’impression qu’elle expérimente des chocs intérieurs. Son corps entravé, mais fluide, coule telle une source dans une montagne qui se fraie son propre chemin.
Cette fluidité caractérise chaque prestation. Paola Styoron, dans sa robe rouge, prend la « parole » à son tour, dans une retenue sensuelle et grave. Reprenant les mêmes phrasés chorégraphiques, elle y ajoute une relation très en tension avec son corps. Alors, qu’on avait une image d’une nymphe jouant dans les bois pour Troy, on voit en Paola un début de noirceur, tout en suggestion. Sa lutte intérieure est beaucoup plus visible dans le langage de son corps.
Margie Gillis clôt ce triptyque avec une prestation qui éclipse les deux autres, du fait de son interprétation mais aussi de ce qu’elle dégage comme message. Les deux premiers solo suggèrent une paix retrouvée. Chaque interprète termine sa séquence avec un sourire équivoque et satisfait. Dans son solo, Gillis exprime la cassure. Le réel combat. Pour sa performance, la scène est recouverte d’un drap de soie qui devient un accessoire pour la danseuse, une extension d’elle-même. Elle devient un élément de cette nature qu’elle chérit tant.
Il y a une violence dans cette partie de Viriditas, une puissance tapie dans les expressions faciales et corporelles de Gillis. La gestuelle repose sur une frustration qui résonne comme un cri, pourtant silencieux. La gestuelle de Viriditas s’articule résolument autour des émotions. On ne les cache pas, on les embrasse. L’extase, la douleur, la joie, la colère.
Viriditas
À l’Agora de la danse jusqu’au 18 février