Mélanie sans extasy : L'impératif social du bonheur
Scène

Mélanie sans extasy : L’impératif social du bonheur

Mélanie sans extasy prend l’affiche au Théâtre Prospero le 27 février prochain. Rencontre avec la comédienne diplômée du Conservatoire de Québec Édith Paquet qui signe ici son premier texte où elle aborde les angoisses d’une génération.

D’abord présenté à Théâtre tout court en 2013 et dans une version longue à Zone Homa en 2016, Mélanie sans extasy est un spectacle au long cours qui a connu dirait-on une vie d’évolution et qui a longtemps habité l’auteure dramatique.

Une auteure sensible aux enjeux de son époque, mais aussi à ceux des femmes de sa génération, car si une chose est certaine, c’est que le personnage de Mélanie trouve écho en chacune d’entre nous. «J’ai rencontré une Mélanie et j’ai été séduite, happée, étonnée par cette fille qui avait un sens du punch et de la répartie. Pour moi, elle était un personnage et dès le lendemain, je me suis mise à écrire. Cette Mélanie-là incarnait plusieurs amies. C’était moi aussi. Elle m’a permis d’entrer dans un univers et de revisiter l’âge adulte d’une femme.»

Une histoire d’errance

La pièce met en scène Mélanie, campée par Véronique Pascal, et cette recherche de soi propre à ceux qui errent dans la vie de jeune adulte. Elle est coincée dans une sorte d’entre-deux, partagée entre les désirs fulgurants et la froideur de la réalité. «Elle est à la recherche d’équilibre entre la vie rêvée et la vie possible, dit l’auteure. Ça va être une espèce d’éveil dans le sens où elle va comprendre qu’au bout du compte, sa démarche est de choisir ce qui lui arrive et non de subir.» Avec la liberté de choix vient paradoxalement l’incapacité de choisir et les peurs qui y sont associées.

À 35 ans, le personnage de Mélanie se retrouve à la croisée des chemins, selon Édith Paquet. Elle est habitée d’insatisfactions face à sa vie: une carrière mal-aimée, une vie affective chaotique, des cicatrices du passé. Sa quête débute avec le retour d’un ex-amoureux avec lequel elle goûtait aux raves et à l’extasy; rappel d’une époque où elle accédait à une fausse liberté.

L’histoire se dévoile volontairement au compte-goutte et à travers cette comédie dramatique, la quête de Mélanie prend son sens dans le regard des autres personnages. «Il y a Mélanie au centre et tous les personnages sont en quelque sorte le reflet d’elle-même. Cet ex, c’est ce qu’elle aurait pu devenir. Sa sœur, c’est ce qu’elle ne veut pas devenir.»

L’extase à tout prix

C’est dans une retraite de yoga que le personnage ira concrétiser sa recherche d’illumination et de bonheur. Pour l’auteure, ça représente une sorte de fuite et elle glisse dans sa pièce un questionnement critique quant à l’objectif d’atteindre le bonheur par tous les moyens possibles, le yoga n’étant qu’un exemple. «C’est que cette quête un peu excessive du bonheur amène son lot de culpabilité aussi, dans le sens que si tu ne le trouves pas, tu deviens responsable. Ça peut être très anxiogène cet espace de diktat du bonheur. Ça peut amener certaines personnes à être vraiment en crise, angoissées.»

Il existe une forte pression sociale pour l’épanouissement personnel qui s’illustre bien en marchandise. Et ce poids est accompagné de l’idée de la faute. On entend souvent cette phrase que chacun est responsable de son bonheur, ce qui laisse supposer qu’on est aussi responsable de son malheur. «La peur de l’échec, on la transmet à l’individu. Si tu ne réussis pas, c’est que tu n’y arrives, c’est que tu n’es pas capable. C’est comme si le système se déresponsabilisait aussi. On a comme intériorisé ces luttes, ces combats de manière un peu sournoise.»

Dans la tête de Mélanie

Il s’agit d’une pièce de l’intériorité où Édith Paquet aborde des thématiques très intimes et collectives à la fois. Pour la scénographie, on reste dans la simplicité. «C’est assez épuré dans la scénographie et aussi dans enchaînement des scènes. On est à cheval entre le réalisme et la symbolique.»

En tant que spectateur, on sera témoin d’un cheminement et ce processus deviendra peut-être personnel. Dans la fiction du théâtre, Mélanie atteint une certaine sérénité, nous dit Édith Paquet. «Il y a un peu de ça, devenir une adulte et se responsabiliser et prendre conscience de ses failles et se responsabiliser de ce qui arrive.» Mais le questionnement ne s’arrêtera certainement pas là, car la pièce renvoie à un dysfonctionnement sociétal et à un schéma qu’il est difficile de briser.

Mélanie sans extasy, d’Édith Paquet
Du 27 février au 17 mars

Au Théâtre Prospero