Jérémie Niel : Malgré tout, elle respire encore
Scène

Jérémie Niel : Malgré tout, elle respire encore

«Ces gens vont vivre, sans le savoir au départ, une tragédie ensemble. Tout d’un coup, des histoires qui peuvent paraître individuelles prendront une ampleur collective. Et… ça finit mal.»

C’est ainsi que Jérémie Niel résume sa prochaine pièce qui fait suite à Phèdre et à La très excellente et lamentable tragédie de Roméo et Juliette. L’univers sombre et pessimiste dans lequel baigne sa nouvelle œuvre ne surprend pas. À quelques semaines de la première à l’Agora de la danse, il peaufine encore sa création. Elle respire encore est née d’une idée qu’il avait testée dans le cadre des événements Nice Try à l’Usine C. «Je souhaitais rassembler dans un même lieu clos, des personnes très différentes afin d’observer comment elles peuvent respirer ensemble.»

Celui qui a grandi en France est devenu «un adulte et un artiste ici». Il pratique depuis maintenant 20 ans à Montréal. Elle respire encore rassemble une distribution de 15 interprètes issus du théâtre et de la danse. Jérémie Niel est d’ailleurs de ceux qui naviguent depuis longtemps entre ces disciplines, ou plutôt, qui en brouillent les frontières. Autrement dit, il «ne fait pas beaucoup de différence entre les deux». Il jouera cette fois entre la représentation abstraite et réaliste des corps dans l’espace. Sa collaboratrice de longue date et chorégraphe Catherine Gaudet ainsi que Frédérick Gravel auront agi à titre de conseillers pour les mouvements, car il aborde la chorégraphie avec énormément de modestie: «Je ne pense pas être un chorégraphe, je pense plutôt être un metteur en scène qui fait de la chorégraphie.» Outre les corps, il emprunte à la danse cette page blanche en création et son rapport à l’émotion. «Même lorsque je travaille sur des textes de théâtre, je cherche toujours l’ambiguïté, la situation ou la tension entre deux personnages et l’interprétation servira moins de référent. J’aime cette quête de la danse à créer une émotion en dehors des codes identifiables, en dehors des références.»

De par sa prémisse, sa nouvelle pièce distance le spectateur des personnages et de leurs drames individuels. Niel joue de perspective plutôt que d’intimité. Les quelques paroles qui seront formulées par les interprètes peineront d’ailleurs à se rendre aux oreilles du spectateur. «J’aime voir le monde de haut; dans un avion, du haut de la montagne.» Une distance face au monde qu’il considère comme importante en tant que créateur. Jérémie Niel a ainsi imaginé une «microsociété» où ses protagonistes s’agitent vers le chaos. «D’une perspective artistique, je trouve toujours que la nuit est plus inspirante que le jour, un visage triste davantage qu’un visage gai. Cela n’empêche pas la joie et le rire, mais pour moi, le rire est beau quand il vient couvrir ou cacher une tragédie. Je m’intéresse beaucoup aux imperfections et à la médiocrité de l’humanité qui sont, selon moi, très importantes pour l’art. Sans elles, j’ai l’impression qu’il n’y aurait plus de nécessité de créer.»

La conception sonore, signée par Alexandre St-Onge, aura également une place prépondérante dans la pièce. Propre à la signature de Niel, l’amplification des sons sur la scène servira à rapprocher les personnages du spectateur. Peut-être pour que ce dernier ait l’impression, malgré la distance et la noirceur, que «cette ville, cette société, cette communauté respire encore…»

Elle respire encore
Du 14 au 17 mars
Agora de la danse