Les robots font-ils l'amour? : Farce robotique
Scène

Les robots font-ils l’amour? : Farce robotique

Après Auditions ou Me, Myself and I créé au Quat’Sous en 2015, Angela Konrad reprend la formule du faux-semblant avec la même distribution qu’à l’époque. Si Auditions s’intéressait à ce qui se passe derrière les portes closes du milieu théâtral – proposant un faux processus d’auditions pour Richard III de Shakespeare – Konrad se penche ici sur le milieu universitaire. La nouvelle création de la metteuse en scène d’origine allemande présentement en résidence à l’Usine C, Les robots font-ils l’amour?, est présenté comme un théâtre-colloque inspiré et librement adapté de l’essai du même nom de Laurent Alexandre et Jean-Michel Besnier, abordant certaines questions éthiques autour du transhumanisme. Un faux colloque, de faux spécialistes, un véritable essai et de réels acteurs, voilà le menu.

photo Maxime Robert-Lachaine
photo Maxime Robert-Lachaine

Sans surprise, c’est sur Space Oddity de David Bowie que les cinq spécialistes feront leur entrée en scène pour ce colloque, alors que sur place, tables, chaises et micro sont alignés, signant ici une scénographie des plus dépouillée sur cette grande scène qu’est l’Usine C. Tour à tour, Niki de la Queue, Miki Habermatt, Riki Laforêt, Viki Gagnon-Atlas et Kiki Vaginstrup feront leur entrée, respectivement sexologue française, philosophe allemand, primatologue québécoise, médecin québécoise et transhumaniste suédoise. Si l’on est un peu happé par la composition de Marie-Laurence Moreau en blonde fatale et idiote de service, il reste que de présenter une sexologue coiffée d’un nom de famille comme de la Queue et qui travaille pour un groupe de recherche dont l’acronyme est SUSE (se prononçant «suce»), on se dit qu’ici le diable n’est pas dans les détails.

On prend un peu de temps en début de représentation pour annoncer ce qui s’en vient, n’hésitant pas à faire un état des lieux sur les avancées transhumanistes tout en décortiquant quelques concepts de base. On soumet aux spectateurs une liste de cinq questions sur lesquelles on désirera se pencher lors du colloque, abordant tant la vulnérabilité humaine, les changements quant à la reproduction, l’amour possible entre humain et robot, le libre arbitre versus la machine et finalement tenter de savoir s’il est souhaitable de vivre 1000 ans. Si le tout peut sembler alléchant, il faudra un peu s’en passer, car rapidement le colloque prendra des allures de foire: on voit bien qu’Angela Konrad voulait explorer le grotesque de certaines postures scientifiques, mais surtout celui du milieu universitaire. À la façon d’une farce, les procédés humoristiques sont ici utilisés à répétition et parfois jusqu’à l’usure.

photo Maxime Robert-Lachaine
photo Maxime Robert-Lachaine

Philippe Cousineau est intraitable dans son rôle de Miki Habermatt, un genre de Slavoj Žižek allemand au lourd accent. Jamais durant l’heure quarante du spectacle l’interprète ne perdra son personnage de vue. Dominique Quesnel joue une primatologue qui remet beaucoup en question ces avancées à l’aveugle, et malgré ses nombreuses sautes d’humeur, elle offre peut-être la proposition la plus terre à terre du spectacle. Il faut aussi souligner le jeu de Stéphanie Cardi qui est clinique, voire robotique, sans mauvais jeux de mots.

Reste que le colloque avance et s’enfarge, les discussions intéressantes demeurent en distance pendant que la pièce, elle, ne demeure qu’en surface. Bien qu’après un tragicomique revirement de situation où tous semblent désirer humaniser leur discours en s’envoyant quelques vers de Rilke tirés du Livre de la Pauvreté et de la Mort, les réelles confrontations éthiques, elles, sont inexistantes. Après Siri de Maxime Carbonneau, Post humains de Dominique Leclerc et La singularité est proche de Jean-Philippe Baril-Guérard, Angela Konrad s’empare du sujet de l’heure, mais ne semble pas en mesure de proposer un discours allant par-delà l’angoisse du vivant envers l’inconnu.

Les robots font-ils l’amour? à Usine C jusqu’au 10 mars.