Steve Gagnon : Homme seul devant la mort
Scène

Steve Gagnon : Homme seul devant la mort

En solo au Périscope dans Os – La montagne blanche, un spectacle qui a des airs de concert rock et de grand rituel, Steve Gagnon boucle une trilogie amorcée en 2010.

C’est un grand poème qui creuse les thèmes de la vie et de la mort comme dans un ballet archéologique. Le personnage inventé par Steve Gagnon dans cette nouvelle pièce, un archéologue en deuil de sa mère, a l’habitude de remuer la terre à la recherche des secrets les plus anciens de l’humanité. Mais le voilà qui fouille désormais dans les replis du monde pour mieux se révéler à lui-même et devenir enfin un homme.

Suivant les traces de la réflexion entamée dans son essai Je serai un territoire fier et tu déposeras tes meubles, le monologue Os est un hommage à une masculinité qui sait se remettre en question. Poursuivant une œuvre teintée d’amour passionnel dans laquelle le féminin est une inspiration divine, la pièce est une ode aux femmes qui poussent les hommes à aimer mieux et à être plus libres. Suivant et concluant les pièces La montagne rouge (SANG) et Ventre, ce spectacle solo, enrobé de musique live et livré comme un grand slam, est une quête viscérale de sacré.

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photo : Magali

Quand sa mère meurt, le laissant dépourvu et inachevé, l’archéologue s’effondre. «J’ai toujours trouvé, dit Steve Gagnon, que nos rituels et nos traditions entourant le deuil sont profondément inconsistants. C’est de là que vient le vertige éprouvé par mon personnage, qui expérimente une profonde perte de sens au décès de sa mère. Il décide de fouiller dans sa mémoire, d’aller au plus profond de lui-même, mais de creuser aussi dans la mémoire universelle, se rendant jusqu’en Colombie, où sa rencontre avec Edna, une vieille sage, le transformera et le fera dialoguer avec les fantômes. Je me suis en partie inspiré d’un rituel colombien dans lequel, jadis, les hommes assoyaient les morts à leur table pour leur dire leurs quatre vérités.»

Femmes, je vous aime

Steve Gagnon est un chercheur d’absolu. Quiconque a déjà fréquenté un peu son théâtre connaît son appétit pour un amour qui déplace des montagnes et pour une existence qui ne se contente jamais de l’ordinaire. «Je vis dans la hantise de perdre les gens que j’aime, dit l’auteur. Mais quand ces deuils surviennent, ils ont la grande qualité de me pousser à aller de l’avant et de me convaincre qu’il faut être audacieux, qu’il faut être courageux, qu’il faut dénoncer notre médiocrité et notre obéissance aux modèles de vie qui restreignent nos libertés et nous emprisonnent dans la domesticité et dans la consommation.»

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photo : Magali

Son alter ego, dans Os, est donc propulsé dans une mise à plat de son existence, refusant la douceur du foyer et le banal confort de ses origines. Derrière cette déflagration, il y a Jeanne, Nathalie et Edna. Entre sa mère et la vieille dame qui le révélera à lui-même, il y a l’amoureuse qui le laisse partir et qui lui permet de reconquérir sa liberté. Trois femmes qui ont, dans sa vie, le pouvoir de lui ouvrir les yeux. «J’ai toujours attribué au féminin une force incroyable, dit Gagnon. Pour moi, les femmes représentent l’accès à l’insoumission et à la désobéissance. Elles sont plus naturellement portées vers la recherche de soi; elles ouvrent la porte à une vulnérabilité salvatrice. Le masculin, dans notre société, ne valorise pas cette sensibilité.»

Le fond et la forme

Mis en scène par Denis Bernard, le spectacle invite les spectateurs à déambuler pour suivre la parole de Steve sur trois espaces scéniques, ce mouvement étant ponctué par la musique en direct de Nicolas Basque (Plants and Animals) et Adèle Trottier-Rivard. Voilà qui, en reprenant les codes du concert rock et du récital de poésie, donne corps à ce monologue imagé, dont la poésie se déplie dans un rythme obsédant. Racontant en partie la banlieue et son mode de vie consumériste «médiocre», la pièce use de répétitions et de longues énumérations qui se répercutent puissamment dans ce concert de mots.

Un grand chant adressé à la mort, pour que la vie triomphe.

Du 24 avril au 5 mai
À la Maison pour la danse
(Une présentation du Théâtre Périscope)