Sidi Larbi Cherkaoui : Tous les moines savent danser
Scène

Sidi Larbi Cherkaoui : Tous les moines savent danser

Œuvre majeure du répertoire contemporain, Sutra est né d’un séjour au Temple Shaolin, d’une improbable rencontre entre le kung-fu et la danse. Une décennie après la première, le spectacle revient au Québec. 

Sidi Larbi Cherkaoui est une grande vedette, indiscutablement l’un des chorégraphes les plus influents de sa génération à l’échelle mondiale. Il débute sa carrière à l’aube du troisième millénaire et de son bug, en 1999 et auprès de son compatriote Alain Platel. Mais il ne se cantonnera pas au rôle d’interprète bien  longtemps… Très vite, Les Ballets C de la B le recrutent, le Théâtre de Genève lui commande une pièce, le Festival Avignon le voit briller. En 2005, Akram Khan et lui feront même équipe pour la création Zero Degrees. Les projets s’enchaînent à une vitesse folle, talent rare oblige, sans même qu’il ne puisse reprendre son souffle.

Puis, en 2007, point de rupture.

C’est là qu’il se décide à larguer les amarres, mettre son quotidien européen sur pause et se faufiler avec son assistant (Ali Thabet) entre les murs d’un monastère bouddhiste de Chine. « Quand j’ai commencé le projet, je suis entré au temple pour une raison assez personnelle, j’avais besoin d’être inspiré par un autre univers, par quelque chose de différent du contexte de la danse contemporaine dans lequel je travaillais depuis presque 10 ans. Puis en étant là-bas, avec les moines, je me suis rendu compte que c’était aussi des artistes. Sur place, il y a des gens qui font de la calligraphie, de la musique et ce que je trouvais très fascinant c’était l’aspect physique qui était présent dans le temple. D’habitude, quand on pense à un espace spirituel, on ne pense pas souvent au corps. Là, le corps est central, en fait. » Cette dichotomie entre la paix intérieure qu’ils cultivent et ce sport de combat qu’ils exercent a de quoi fasciner. Cherkaoui croit que c’est cet exercice presque brutal qui leur permet d’atteindre la sérénité. « Ils ont vraiment besoin de cette intensité pour méditer pendant trois heures, quatre heures. C’est vraiment une sorte de yin et de yang. »

Crédit: André Lanthier
Crédit: André Lanthier

À un moment donné, ils nous ont proposé de travailler avec un enfant moine. C’est parce que, souvent, dans les démonstrations, il y a des petits prodiges qui, soudain, montrent le potentiel de ce qu’ils vont devenir avec, déjà à cet âge-là, tellement de talent.

Sidi Larbi Cherkaoui

Conscients de leur magnétisme, habitués aux démonstrations en public, les résidents du temple ont plongé sans méfiance. Le profond respect de Cherkaoui à leur égard a vite fait de les mettre en confiance. L’homme de danse belge célèbre d’ailleurs l’iconographie bouddhiste en incorporant plusieurs citations visuelles dans sa mise en scène.  « Les coffres en bois du scénographe Anthony Gomley peuvent créer un mur, un temple, un cimetière… L’une d’elles peut ressembler à un bateau quand tous les moines sont dedans. En fait, il y a constamment un imaginaire qui est proposé et cet imaginaire, à certains moments, est quand même assez spirituel. À un moment donné, par exemple, le petit moine est assis sur une boîte et toutes les autres l’entourent, mais d’une manière assez ronde. Quand les moines posent ces boîtes par terre, on dirait une fleur qui s’ouvre. Ça donne vraiment le Buddha qui est assis sur une feuille de lotus. »

Sutra est aussi un hommage au kung-fu. La gestuelle du spectacle est directement inspirée de leur lexique tant par les formes animales (l’aigle par exemple) que des mouvements traditionnels plus abstraits. Chaque coup de poing, chaque bras tendu sont une réaction à un ennemi invisible. « Tout est en rapport avec un corps qui n’est pas là et ça, c’est très, très fascinant pour un chorégraphe. » Si bien que ce vocabulaire extrêmement riche teinte encore le travail de Cherkaoui à ce jour, une décennie après ce premier voyage dans la province du Henan.  « Ce projet m’a vraiment transformé en tant que chorégraphe, mais surtout en tant qu’être humain. Ça m’a aidé à oser voir au-delà des cloisonnements de certaines formes et de réaliser que le corps humain peut bouger d’une infinité de manières. »

1er mai au Grand Théâtre de Québec
3, 4, 5, 8 et 9 mai au Théâtre Maisonneuve (Montréal)
12 mai au Sony Centre for Performing Arts (Toronto)
15 mai au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke

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