FTA / Titans : Psychose créatrice
Scène

FTA / Titans : Psychose créatrice

Avant que les Dieux ne prennent possession de l’Olympe, les Titans régnaient sur le monde. Ces fils d’Ouranos et de Gaïa furent les Dieux originels, ces divinités qui ont pourtant échoué à la gouvernance céleste, se croyant inatteignables et omnipotentes. C’est dans cet antre divin que Euripides Laskaridis invite le public, un lieu de tous les possibles où il dominera le monde qu’il construira de ses mains, qu’il détruira de ses rires. Un fouillis occupe la scène: panneaux de styromousse, lampes fluorescentes, balançoire, planche à repasser, poubelle à pédale, etc. De cet amalgame disparate, Laskaridis et son comparse Dimitris Matsoukas parviendront à créer des mondes comme on bricole l’enfance, avec candeur et plaisir.

L’interprète apparaît en scène vêtu de différentes prothèses, long nez à la Cyrano, ventre de femme enceinte et crâne complètement chauve. Cette créature titanesque communiquera avec le public dans un baragouinage de hautes fréquences qui vous arrache un sourire, si ce n’est un fou rire. Matsoukas, lui, errera sur scène entièrement vêtu de noir, jusqu’à la cagoule, tantôt comme un technicien de plateau, tantôt comme une force négative et inquiétante qui vient jurer dans le quotidien joyeux et dans l’univers burlesque de Laskiradis. Se présentant comme un chapelet de saynètes, une courtepointe de folie, un album d’étrangeté, Titans n’est pas le genre de pièce qui tend aux spectateurs un fil d’Ariane pour se rendre jusqu’à la fin. Il s’agit plutôt d’un immense carré de sable où tous sont conviés à laisser leur imaginaire errer.

De ces instantanés, soulignons le jeu d’ombres et de lumières auquel s’adonne Matsoukas pendant quelques minutes, parvenant à laisser croire au public que cette ombre est indépendante, une figure des ténèbres qui pourrait, elle aussi, s’éclater sur scène. Le sketch où les deux interprètes sont de part et d’autre d’un grand panneau de styromousse sur lequel on a installé deux tubes lumineux fonctionne à merveille. Aussi burlesque le moment puisse-t-il être – Laskiradis se fait écraser par le dispositif trois fois plutôt qu’une, s’étalant au sol, criant de folie – elle n’est pas sans rappeler les dérangeantes scènes de Requiem For a Dream (Darren Aronofsky, 2000) entre la mère et son réfrigérateur démoniaque.

Titans est le genre de pièce où le créateur, sans mot dire, nous oblige à délaisser toute quête de sens et espère qu’on daignera suivre cette folie l’heure durant, au risque de se perdre. L’éclairage et l’habillage sonore parviennent à faciliter ce laisser-aller, créant rapidement des mondes tout aussi oniriques que circassiens. L’abandon de Laskiradis pour sa performance est à saluer, le plaisir inhérent à cette psychose créatrice est contagieux. Reste à savoir si la réflexion qu’elle entraîne sera pérenne.

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Un spectacle de OSMOSIS Performing Arts Co, mise en scène, chorégraphie et scénographie Euripides Laskaridis, interprétation Euripides Laskaridis et Dimitris Matsoukas, costumes Angelos Mentis, musique originale et conception sonore Giorgos Poulios, lumières Eliza Alexandropoulou. À l’Usine C jusqu’au 31 mai.

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