La Nuit des taupes : On est encore des mammifères
Les rongeurs du Français Philippe Quesne prennent (littéralement) la scène d’assaut dans ce spectacle inclassable programmé par le Carrefour international de théâtre de Québec et le FTA.
Serait-ce du théâtre? Un concert? De la danse? Une performance? Ou même de l’art clownesque? Difficile à dire. La Nuit des taupes jongle entre les disciplines avec désinvolture. La pièce s’ouvre sur des bruits inquiétants, presque de l’art audio, des grognements qu’on pourrait aisément confondre avec une défaillance technique et des flatulences impudiques. Une introduction à la fois burlesque et post-apocalyptique qui met bien la table pour l’entrée en scène de ces rustres créatures. Celles qui, rappelons-le, nous avaient charmés la veille dans le cadre d’une absurde parade sur l’avenue Cartier.
Elles sont sept, comme autant de nains, à manier la pioche et détruire cette caverne où elles s’étaient préalablement confinées. Un délire minutieusement chorégraphié, une expérience ludique qui fait évidemment écho à Platon et peut-être même à des thèmes plus sérieux, plus lourds. Cette tanière démantibulée sert-elle de métaphore pour parler de pollution, des Terriens qui détruisent leur planète, leur unique lieu de vie? On se questionne, puis se ravise. Intellectualiser pareille proposition lui ferait perdre de son charme.
Il faut regarder La Nuit des taupes avec ses yeux d’enfants, l’aborder comme une pièce que les Gros-Becs auraient programmée pour les grandes personnes. On s’émerveille devant leurs gaffes cocasses, leur gestuelle à la fois réaliste et comique, ce cabotinage en règle parsemé de performances musicales pas piquées des vers. Le Fab Four fouisseur s’avère redoutablement efficace lorsque vient le temps d’empoigner guitare, thérémine et batterie. Des segments musicaux parsemés d’expérimentations (genre : une baguette de drum en guise d’archet) et enveloppés dans une tempête de glace sèche qui se repend jusque dans l’assistance.
Parce qu’il faut le dire : la scénographie est très élaborée. Cette fumée abondante sublime les éclairages en créant un effet velouté, des dégradés de couleurs qui rappellent ceux des dessins animés ou des cocktails faits de curaçao et de grenadine. Philippe Quesnel et son équipe tirent aussi meilleur profit des ombres qu’ils juxtaposent à des projections psychédéliques qui feraient pâlir Organ Mood d’envie.
On va de surprise en surprise dans ce crescendo délirant, cette succession d’images si fortes qu’on croirait les avoir rêvées. Des tableaux vivants qui nous habiteront encore pendant quelques jours.
Jeudi 31 mai au Grand Théâtre de Québec
(Dans le cadre du Carrefour international de théâtre)
Du 3 au 6 juin à l’Usine C
(Dans le cadre du FTA)
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