Nos ghettos au FTA : Délire de quartier
Une folle odyssée de Jean-François Nadeau et Stéfan Boucher au coeur d’un quartier paisible mais divisé en groupuscules isolés.
Un père doit trouver du fromage en tranches Kraft, du pain bon marché et une canne de soupe aux pois pour un souper familial des plus simples. Il quitte le brouhaha familial, à pied, pour remplir cette mission qui s’avèrera parsemée d’embûches. De retour vers la maison, il prend connaissance des enseignes et commerces à proximité: le coin Bélanger et 2e avenue regorge de petits ghettos dont la présence est devenue banale. La simple mission de l’homme devient une odyssée, une exploration territoriale à la croisée des cultures qui cohabitent doucement sans vraiment s’intéresser l’une à l’autre.
Nos ghettos nous transporte dans une tentative de rencontre avec l’autre fort originale. Heureusement, l’écriture déjantée et poétique de Jean-François Nadeau ne cherche pas à lancer un message simplet d’amour universel ou à tourner les coins ronds pour trouver une solution à un phénomène complexe. C’est plutôt grâce aux multiples anecdotes métamorphosées en aventures invraisemblables qu’il illustre une réalité à laquelle les grands centres urbains n’échappent pas.
Accompagné d’une affreuse poupée à la voix discordante qu’un voisin lui a offerte, l’homme en mission croise plusieurs habitants et commerçants du coin (interprétés par Stéfan Boucher). L’échange est difficile, parfois impossible, mais coloré et sympathique en d’autres cas. Une chose est certaine: les ghettos sont abondants, ses différentes clientèles sont homogènes et ne se limitent pas à ce qui est extérieur au domicile: les ghettos peuvent être amoureux, amicaux et familiaux.
La scène – où le décor et les accessoires abondent – se métamorphose aisément en différents lieux et ambiances toutes particulières grâce au travail de Jonas V. Bouchard et Elen Ewing. L’ambiance sonore et la musique sont jouées en direct par Stéfan Boucher et Olivier Landry-Gagnon, qui assure également les projections, est installé tout près des spectateurs. Les compositions originales sont même parfois accompagnées de paroles, comme l’hilarant segment musical où sont présentés les commerces du coin.
Stéfan Boucher et Jean-François Nadeau ont créé un spectacle déstabilisant et surprenant, tant par l’originalité de sa poésie urbaine que par sa facture visuelle. Admettant sa propre lâcheté à aller vers l’autre, à se mêler à la diversité environnante, Nadeau cherche les causes de cet isolement généralisé sans faire d’accusation facile. Une exploration des lieux moderne, fort originale qui émeut et pousse la réflexion un peu plus loin.
Au Théâtre d’Aujourd’hui du 13 novembre au 1er décembre