Edmond : théâtre dans le théâtre
Serge Denoncourt aime les classiques. Celui qui a monté des pièces comme Cyrano de Bergerac, Roméo et Juliette ou Les Trois Mousquetaires choisit cette fois un texte pas comme les autres, une pièce contemporaine inspirée de celle d’Edmond Rostand et sobrement nommée Edmond. La pièce, présentée pour la première fois en France en 2016 et signée du jeune auteur Alexis Michalik, a déjà récolté 5 Molières.
Edmond est construit sur le même schéma que le film Shakespeare et Juliette, qui racontait la genèse de la pièce Roméo et Juliette en plongeant dans la vie de son auteur dans un habile mélange entre fiction et faits historiques. Ici, on suit donc Edmond Rostand dans son quotidien parisien, en décembre 1897, (très courte) période pendant laquelle il créa son chef d’œuvre.
Sans le sou, il parvient ainsi à vendre une pièce dans laquelle jouera le grand acteur Constant Coquelin – reste plus qu’à écrire la pièce. Le dramaturge puise alors son inspiration dans la relation naissante entre son ami et une jeune costumière, avec laquelle il engage une correspondance amoureuse qu’il signe du nom de son ami. De la rédaction du texte aux répétitions et à la première au théâtre Saint-Martin, la pièce est une belle mise en abyme du théâtre, qui met même le spectateur face au public parisien imaginaire dans la dernière scène.
Dans cette 130e mise en scène de Denoncourt, présentée au Théâtre du Nouveau Monde en première nord-américaine, les décors changent à un rythme effréné, faisant de la pièce une succession très rapide de nombreux courts tableaux façon plans de cinéma. L’avantage : les 2 heures 15 de spectacle passent très vite, sans qu’on n’ait une seule seconde le temps de s’ennuyer.
Les costumes d’époque et certains personnages stéréotypés renforcent le côté très théâtral de cette comédie qui nous montre ses ficelles (lorsqu’une gifle est donnée, lesautres comédiens présents autour claquent dans leurs mains pour faire le bruitage). Plusieurs clins d’œil à Feydeau – un contemporain de Rostand – viennent encore appuyer le vaudeville. Cette pièce, c’est aussi une carte postale du Paris du 20e siècle : on passe sa vie au café, on va au Moulin Rouge (un cliché peut-être dispensable?), on croise Georges Méliès ou Anton Tchekhov…
Les 12 comédiens se partagent en effet une soixantaine de rôles. Dans la distribution, trois des comédiens avaient notamment joué dans le Cyrano monté par Denoncourt lors de l’édition 2014 de Juste pour Rire. Émilie Bibeau est particulièrement juste en Rosemonde, l’épouse d’Edmond Rostand, tantôt drôle et pleine de caractère, tantôt amère et jalouse. Kim Despatis campe quant à elle une actrice capricieuse qui déclenche l’hilarité du public à chaque apparition, et Normand Lévesque est un solide Coquelin, acteur de Cyrano, à l’ego et l’optimisme implacables.
Si le comique est très présent, quelques extraits de la pièce originelle d’Edmond Rostand sont lus dans une atmosphère recueillie et pleine d’émotion, qui ralentit un peu le rythme parfois un peu trop sportif de ce vaudeville aux amphétamines. On pense notamment à la scène du balcon où les vers de Rostand résonnent dans toute leur beauté, même entre deux gags un peu gros. C’est que si Cyrano de Bergerac est la pièce française la plus jouée, ça n’est pas pour rien.
Edmond, d’Alexis Michalik
mise en scène de Serge Denoncourt
jusqu’au 28 août au Théâtre du Nouveau Monde