Émilie Bibeau : stand-up littéraire
Scène

Émilie Bibeau : stand-up littéraire

L’amour des mots berce sa vie comme son parcours de comédienne. Plongée dans des textes à interpréter et à réciter depuis sa sortie du Conservatoire de Montréal, Émilie Bibeau fait maintenant le saut vers l’écriture avec son spectacle Chroniques d’un cœur vintage. Rencontre.

«C’est vraiment né d’un désir profond que j’avais de me frotter à l’écriture», confie la comédienne qui se prête à l’exercice d’un spectacle solo pour une première fois. Collaboratrice depuis de nombreuses années à Plus on est de fous, plus on lit!, émission littéraire radiophonique de Radio-Canada, elle a osé en 2016 lire un texte de son cru, Chroniques d’un cœur vintage. La création autofictionnelle, sur les déboires d’une femme au cœur hypersensible qui tente de survivre à la Saint-Valentin, a rapidement obtenu un vif succès auprès des auditeurs. Émilie Bibeau a pris plaisir à poursuivre son écriture en offrant de nouvelles chroniques à l’émission sans pour autant avoir le rêve d’en faire un spectacle. «Je n’ai jamais pensé que ça prendrait cette forme-là», raconte-t-elle à propos du passage des chroniques radio vers la scène. «Ça se passait super bien et ce sont des amis autour de moi, dont François Létourneau, qui me disaient que je devrais faire un spectacle solo autour de ça. Il y a aussi eu Alain Farah, qui m’avait accompagnée et avait été un peu comme mon conseiller dramaturgique quand j’en ai fait une relecture au Festival international de littérature. Il m’avait dit qu’il y avait matière à en faire quelque chose de plus étoffé, et comme je recevais souvent le commentaire qu’il serait intéressant d’en faire un spectacle, on dirait que c’est venu naturellement par la suite.»

Cinq chroniques originales d’Émilie Bibeau se grefferont aux écrits de ses auteurs favoris, même si parfois l’envie d’en ajouter quelques-unes se faisait sentir une fois l’écriture complétée. «Je suis vraiment allée avec mes coups de cœur, ceux qui sont marquants, ceux auxquels je me réfère souvent dans ma vie. Ça peut être autant Madame Bovary de Flaubert que des philosophes pessimistes comme Cioran ou Schopenhauer, qui me font vraiment rire. Je trouve ça l’fun comment des êtres assez sombres dans leurs propos peuvent donner beaucoup d’histoires et d’humour, finalement.»

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«Les chroniques partent de mon vécu, d’une réflexion sur les expériences humaines qu’on traverse tous, mais accompagnées des mots des autres. C’est comme ça que j’arrive à insérer des paroles d’auteurs. J’essaie de le faire avec authenticité et sensibilité. Il y a beaucoup d’humour; j’essaie de montrer que la littérature n’est pas quelque chose de lourd et d’inaccessible. Je trouve un grand refuge dans les mots et c’est de ça que le spectacle parle, à travers l’autofiction.» C’est sa grande amie Sophie Cadieux qui assure la mise en scène du spectacle intimiste. Afin de laisser toute la place aux mots et à l’interprétation, la mise en scène insiste sur le découpage de l’espace et la structuration de certains passages.

Le titre du spectacle est donc tiré de sa toute première chronique radio. Et un cœur vintage, pour l’auteure, c’est celui qui appartient à une autre époque, sans pour autant condamner la sienne. «Il y appartient dans son attachement, son romantisme, peut-être; pour moi, le romantisme, maintenant, c’est quasiment les concepts d’engagement, de loyauté… Je ne voulais pas non plus donner une image premier degré, clichée, un peu “jugeante” de notre époque. C’est plus complexe que ça. C’était pour moi aussi une façon de décrire pourquoi ce cœur-là peut avoir un parcours sentimental plus difficile parfois ou peut frapper certains écueils, puis trouver refuge dans les mots des autres. Il y a une phrase d’Albert Jacquard que j’aime beaucoup et que je cite souvent qui dit: “Je suis les liens que je tisse aux autres”. Ça m’a beaucoup inspirée pour le spectacle. Souvent, les phrases des autres s’impriment en moi, me marquent et me stimulent à faire des choses.»

Émilie Bibeau sera également porte-parole des Journées de la culture du 28 au 30 septembre aux côtés de Laurent Paquin, un ancien camarade de la Ligue nationale d’improvisation, lui-même tout aussi passionné de lecture et d’écriture. «Ça m’a tout de suite parlé, parce que je trouve que ça démystifie l’idée que la culture est non accessible. Ça prouve aussi que la culture, c’est partout. C’est le théâtre, le cinéma, la danse, mais c’est aussi imprégné dans le quotidien.»

Du 4 au 21 septembre
Au Théâtre La Licorne