Dada Masilo : «La danse doit parler d’enjeux d’actualité»
La chorégraphe et danseuse de Johannesburg présente à Montréal son Giselle, un classique du ballet qu’elle a revisité à la sauce contemporaine et sud-africaine. Entretien avec une danseuse qui veut changer les codes.
« Quand j’étais petite, je voulais danser tous les classiques. » À 33 ans, Dada Masilo aime toujours autant les grands classiques, et elle en a déjà chorégraphié quatre (Carmen, Roméo et Juliette, Le Lac des cygnes et Giselle). Mais aujourd’hui, elle adore mélanger le ballet classique avec la danse contemporaine.
« J’adore la narration, le fait de raconter une histoire, confie la danseuse. J’adore réinterpréter les classiques et les rendre d’actualité. C’est important pour moi d’être plus qu’une danseuse et de faire de jolis mouvements : il faut parler des enjeux d’actualité. La danse, c’est aussi instruire les gens et lancer des débats. Je veux que le public ressente vraiment quelque chose… »
Son Giselle s’annonce très différent des versions qu’on a en pu voir. Comment raconter différemment cette célèbre histoire dansée depuis 1841? « Je veux présenter le classique avec une autre perspective… Giselle, pour moi, ça parle d’émancipation. Elle est habituellement présentée comme une victime et je voulais enlever ça, lui donner un peu plus de force. »
Loin de vouloir montrer des personnages blancs et purs, Dada Masilo les souhaiterait presque effrayants. «Ce n’est pas seulement l’histoire de Giselle, nuance la chorégraphe. Je voulais aussi développer les autres personnages, pour que les gens comprennent l’histoire dans toutes ses dimensions, sans se focuser seulement sur Giselle et en voyant tout à travers son regard à elle.»
Dada Masilo a commencé à faire des chorégraphies car elle ne trouvait personne à Johannesburg qui fasse le genre de danse qu’elle aimait. Mais si elle jongle avec les deux rôles aujourd’hui, elle insiste sur le fait qu’elle reste une danseuse en premier lieu. D’ailleurs, elle incarnera elle-même le rôle-titre dans Giselle, entourée de 12 autres danseurs. « J’aime être dans le spectacle. Je le ressens mieux de l’intérieur, et créer serait plus difficile avec une vision extérieure. »
Son Giselle est un mélange de modernisme et de sa propre culture aussi, puisqu’elle a ajouté à la musique originelle d’Adolphe Adam de la voix et des percussions africaines. « J’ai décidé de situer Giselle dans une zone rurale d’Afrique du Sud, donc il fallait retrouver ces éléments dans la musique! C’était la première fois que je collaborais avec un compositeur. On a beaucoup travaillé ensemble tout au long du processus pour s’assurer de bien raconter la même histoire, dans la musique comme dans la danse. »
Ses classiques revisités lui ont souvent valu des articles qui parlent de sa « vision féministe ». Mais Dada Masilo n’aime pas les étiquettes, et refuse qu’on la mette dans une case. En attendant, elle continue de faire les choses à sa façon. Divertir et faire réfléchir, ça marche ; la chorégraphe vient d’ailleurs de rafler le prix Next Generation du Prince Claus Fund à Amsterdam. Son prochain projet? Elle travaille déjà dessus depuis quelques mois. « C’est le classique qui représente le plus gros défi pour moi : Le Sacre du printemps! »
Giselle, de Dada Masilo
du 25 au 29 septembre au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts