Neuf : Et si la mort…
Scène

Neuf : Et si la mort…

En cette année de 50e anniversaire, le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui commence sa nouvelle saison avec une pièce qui semble terminer un cycle. Le cycle de création de Mani Soleymanlou, qui avait débuté avec le solo Un. Le processus d’écriture reste le même, celui d’une création collective : l’auteur s’est appuyé sur le verbatim de 40 heures de discussion avec ses interprètes.

Mais le thème est ici sensiblement différent : on y parle de la mort. Celle d’un auteur (qui semble être Soleymanlou lui-même). Cinq amis et collègues se retrouvent ainsi au salon funéraire et échangent leurs souvenirs. Ils parlent de la mort et de la peur de la mort, mais aussi du temps qui passe, de la vieillesse sur le corps et l’esprit, du passé. Si le thème semble un peu sombre, l’humour et l’autodérision sont bien présents – disons-le, on rit franchement et souvent.

Autre variation par rapport à ses précédentes pièces à chiffres, Soleymanlou monte cette fois-ci une distribution composée uniquement de comédiens de la vieille garde : Henri Chassé, Pierre Lebeau, Marc Messier, Mireille Métellus et Monique Spaziani. Autant de grands talents qui se rencontrent et se retrouvent en nous offrant de merveilleux moments de jeu.

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La scénographie est sobre mais puissante : une immense croix lumineuse pare le mur du fond, et un imposant cercueil occupe l’arrière-scène. Le reste, vide sinon quelques chaises, n’est occupé que par les comédiens, qui remplissent l’espace de leur présence et de leur voix, dans un huis-clos qui nous fait voyager à travers l’espace-temps.

L’auteur crée une jolie mise en abime théâtrale en mettant dans les mains des comédiens des textes, copies de cet ultime texte que le défunt a légué à ses amis. Ils se retrouvent, seul ou à plusieurs, à une petite table côté cour où ils lisent la partie du narrateur avant de reprendre leurs répliques debout face au public, brisant de temps à autre le quatrième mur avec des apartés.

La mise en abime est telle qu’on ne sait jamais vraiment quand commence et termine la pièce, du prologue – Henri Chassé qui parle devant le rideau fermé – à la finale, alors qu’un technicien (ou comédien ?) range la scène devant le public.

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Dans ce texte d’auto-fiction, le quintette d’acteurs a donné beaucoup de lui-même dans les conversations avec l’auteur, se révélant sans pudeur. Tout est rendu avec beaucoup d’humour dans les répliques pour ne pas alourdir le propos. Henri Chassé parle de la mort de ses parents, Marc Messier du rapport au corps quand on est vieux, Mireille Métellus de son angoisse ne pas avoir le temps de lire tout ce qu’elle veut…

Des histoires personnelles à l’histoire du Québec, on est dans la nostalgie sans jamais être dans le regret ou l’apitoiement. Une pièce belle et forte qui fait réfléchir sur notre propre rapport à la mort. Avec ce Neuf où la fin est dans toutes les phrases – dès le prologue où l’on demande au public d’éteindre les cellulaires -, Soleymanlou boucle la boucle d’une série numérale de spectacles où on l’a vu évoluer dans l’écriture. Et on a hâte de voir la suite.

Neuf
jusqu’au 20 octobre au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui