M.I.L.F. : Mères fourrables
Scène

M.I.L.F. : Mères fourrables

Entre les mères à boutte et les parfaites, toutes celles que l’on envie, désire ou déteste, se tiennent les trois figures maternelles sexuelles, sexuées, poquées et touchantes de la pièce M.I.L.F. de Marjolaine Beauchamp.

Il y a celle qu’on voudrait fourrer – Mother I’d like to fuck. Il y a celle à sauver (MILS) et celle à tuer (MILK). Entre les trois se tissent des monologues qui s’entrecroisent, s’entrechoquent, donnent à voir les réalités plurielles de mères qui doivent composer avec les aléas d’une maternité à conjuguer avec la sexualité (ou avec l’absence de).

Le sexe avec un grand S

Pour cette deuxième collaboration entre la slameuse, interprète et dramaturge Marjolaine Beauchamp et le metteur en scène Pierre Antoine Lafon Simard, après Taram (Théâtre du Trillium, 2011), le public du Théâtre Périscope sera mis face à une esthétique tirée des codes de la pornographie qui appuie un texte sans tabous qui sonne non pas cru, mais vrai. Pour cause: l’auteure s’est appuyée sur des confidences pour créer un propos qui brasse la cage et le cœur.

© Marianne Duval Texte : Marjolaine Beauchamp Mise en scène : Pierre Antoine Lafon Simard Distribution : Marjolaine Beauchamp, Geneviève Dufour et Catherine Levasseur-Terrien Musique : Pierre-Luc Clément Éclairages : Guillaume Houët
© Marianne Duval

«L’élément déclencheur de M.I.L.F., c’est la rencontre de femmes. Je réfléchissais sur ma condition permanente de mère, parce que je m’intéresse dans ma création à l’aspect sociologique des choses. Faut dire que j’habite dans un HLM rempli de petites mamans qui sont s’ua goal… Je freestylais sur le sujet des mères pour Plus on est de fous, plus on lit!, j’avais envie d’écrire un truc à la fois humoristique et philosophique sur une mère qui a un one night, tsé la femme qui a eu un enfant pis qui a encore accès à la séduction. Finalement, j’avais beaucoup de choses à dire…» confie Marjolaine Beauchamp au téléphone, le débit rapide et la voix assurée.

Histoire de poursuivre sa réflexion sur les façons d’aborder ensemble la maternité et la sexualité, elle décide de réunir des femmes… autour d’une démonstration de jouets sexuels! «La démo, c’était juste un prétexte! [rires] Je côtoyais des mères ailleurs, en culture par exemple, mais je me demandais comment rendre ça plus universel. J’ai mis dans cette salle la variété la plus complète en matière d’âges, de milieux socioéconomiques, pis c’était empowering as fuck, les filles se confiaient, ç’a été des rencontres extrêmement riches. Y en a même qui ont acheté des produits!»

© Marianne Duval Texte : Marjolaine Beauchamp Mise en scène : Pierre Antoine Lafon Simard Distribution : Marjolaine Beauchamp, Geneviève Dufour et Catherine Levasseur-Terrien Musique : Pierre-Luc Clément Éclairages : Guillaume Houët
© Marianne Duval

En plus de cette soirée, Marjolaine a documenté des rencontres individuelles de mères et même des témoignages de gars dans sa messagerie Facebook. «Ce que je voulais savoir, c’était leur rapport de femmes, de mères avec l’acronyme MILF, tiré de la porno. Ma posture du début a beaucoup changé, comme ma vision de l’empowerment sexuel. Je me considère comme une fille assez progressiste, avec une position ouverte sur la sexualité, et je présumais que des femmes moins éduquées que moi auraient une sexualité plus complexée. C’était faux! Leur désirabilité en tant que mères, à leurs yeux, était incontestable. Dans mon écriture, j’ai eu envie de témoigner de ça.»

Ni apologie ni critique, la pièce M.I.L.F. explore l’entre-deux, les multiples nuances qui viennent avec le double statut de mère et de personne sexuée. «Je n’avais pas envie de faire une vendetta contre l’acronyme. J’avais envie de prendre le pouvoir qu’il donne, de le désacraliser, de dire “voici les émois stériles de cette femme sacralisée qui serait la MILF”, de montrer son ambivalence, alors qu’elle est gênée et heureuse d’être désirée même après/en raison de ses enfants. Et pour désacraliser un terme, il faut l’employer à outrance!» De bon cœur, Marjolaine s’amuse des malaises des chroniqueurs culturels qui doivent dire MILF tout haut en ondes. «Les gens sont obligés de l’intellectualiser pis de l’acknowledger

Mères et monde

Marjo, penses-tu que c’est une pièce pour les mamans qui ont le loisir de réfléchir à leur condition? «Tsé, tout le monde s’en vient voir une pièce “sur les mères”, mais y a des papas qui accompagnent leur fille, des grands-mères, des couples homosexuels… Je crois qu’on a besoin d’en parler, que ça ne devienne plus niché, que ça soit un truc d’actualité. Le sujet doit appartenir à tout le monde et toutes les entreprises d’exposition de la maternité en public me semblent essentielles et nécessaires, même celles qui sont superficielles et maladroites.» Ou celles qui, comme la pièce M.I.L.F., sont essentielles et nécessaires parce qu’elles portent la parole de celles qui se font «une brigade de filles toujours la tête drette/même au moment d’rentrer dans le mur».

M.I.L.F.
Au Théâtre Périscope
Du 27 novembre au 1er décembre