Le Beu-Bye : Ratisser large
Scène

Le Beu-Bye : Ratisser large

Après les coups d’éclat, les personnalités marquantes (embarrassantes?) et les nouvelles tantôt loufoques, tantôt tragiques qui ont façonné les douze derniers mois, Lucien Ratio et sa bande du Beu-Bye soufflent leurs cinq bougies, fins prêts à célébrer en grande pompe cette année 2018 à La Bordée.

À quelques semaines de la première, l’heure est à la pratique incessante des sketchs et des chorégraphies pour le noyau dur de cette rétrospective annuelle composé de Lucien Ratio, Joëlle Bourdon, Nicola-Frank Vachon, Monika Pilon, Jean-Philippe Côté, Nicolas Létourneau et Philippe Durocher. Campés dans un local du Centre Alyne-Lebel, les comédiens mettent la touche finale aux mois de travail à épier l’actualité, à faire le tri dans l’abondance de nouvelles, à travailler et retravailler les textes. Avec la récente campagne électorale — qui s’est conclue avec l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement caquiste de François Legault —, 2018 a donné de bonnes munitions à la troupe de Québec. Et selon les dires de tous, personne n’échappera au tordeur du Beu-Bye. «Tout est un peu risible. C’est ça qui est le fun de la comédie : peu importe ton allégeance politique ou d’où tu te situes sur la ligne, c’est que tu peux trouver de quoi de drôle de chaque bord. Ce qui est drôle, ce sont les extrêmes. Si tu prends un personnage avec ses idées et tu l’extrémises, c’est là que la comédie arrive et que ça devient universel», relève Lucien, de retour dans sa chaise habituelle d’auteur et de metteur en scène.

Plus localement, difficile d’ignorer l’épineuse et polarisante question du satané troisième lien de même que l’ouverture un brin gênante du IKEA en septembre dernier qui a attiré une véritable marée humaine. «Ce sont deux gros sujets. On aurait pu faire quatre sketchs juste avec ça!, fait remarquer Jean-Philippe à la blague.

La troupe du Beu-Bye 2018 (Courtoisie: Jean-Philippe Côté)
La troupe du Beu-Bye 2018 (Crédit: Studio Magenta)

Est-ce qu’il y a des sujets sensibles et délicats en 2018 dont on ne peut pas rire? Lucien évoque la nomination du juge conservateur Brett Kavanaugh à la Cour Suprême malgré les allégations d’agressions sexuelles portées contre lui, un événement qui a ramené le mouvement #MeToo au centre du débat public. «On a cherché un angle humoristique et il n’y en avait pas. C’est assez touchy ces affaires-là.»

Le sketch sur l’annulation des pièces SLAV et Kanata, mises en scène par Robert Lepage et qui ont fait l’objet d’appropriation culturelle l’été dernier, en est d’ailleurs rendu à la quatrième écriture. Un thème particulièrement difficile à aborder pour des auteurs et des comédiens dont le théâtre représente leur gagne-pain. «Par rapport [au sketch], c’est un défi parce qu’on est tous en théâtre. Je trouve que quand tu crées des affaires, il ne faut pas que tu sois trop hermétique, observe Nicola-Frank. Il faut garder la sensibilité de « est-ce que c’est drôle pour nos parents? » Les gens qui ne sont pas dans le milieu artistique comme nous, est-ce que c’est dans l’actualité pour eux aussi?»

Les nouveautés

Pour la première fois en cinq ans, la troupe du Beu-Bye bénéficiera d’un groupe complet. Après Mathieu Campagna qui faisait cavalier seul sur scène les années précédentes, ce sera au tour d’un trio orchestré par Philippe Grant d’agrémenter les segments musicaux du spectacle. «D’avoir un groupe sur scène, c’est un truc auquel on rêvait depuis le tout début quand on a commencé à travailler ce spectacle-là», explique Lucien.

La gang du Beu-Bye continue de peaufiner son emballage année après année. Un effort de bien faire, certes, mais surtout une façon de répondre à l’engouement grandissant des gens de Québec, qui ont fait de cette production 100% locale une tradition du temps des Fêtes. «Il y a une qualité au spectacle qui fait en sorte que les gens ont envie de revenir. […] Il y a de quoi aussi dans le fait qu’on est une gang et qu’on fait ça depuis plusieurs années ensemble. Notre objectif est de continuer à bien huiler cette machine-là qu’on connaît tout le monde pour que ce soit de plus en plus efficace et drôle au niveau des textes, des chorégraphies.»

Beu-Bye 2018
Du 14 décembre au 29 décembre à La Bordée