Le Terrier : La délicate écologie de la fragilité
Scène

Le Terrier : La délicate écologie de la fragilité

Il y a de ces grands tremblements auxquels il semble impossible de survivre, comme la mort de son enfant. Dans Rabbit Hole, pièce qui lui aura valu un Pulitzer, traduite au Québec par Le terrier, David Lindsay-Abaire a réussi à aborder la tragédie familiale en entremêlant humour et sensibilité. Plus de deux ans après sa création à la salle Fred-Barry, voilà que la pièce est reprise sur la scène de Duceppe.

Becca (Sandrine Bisson) et Louis (Frédéric Blanchette), ayant perdu leur unique fils, peinent à retrouver une connexion à l’intérieur de leur couple, mais également avec leurs proches. La mise en scène de Jean-Simon Traversy est avant tout faite de retenue, avec juste ce qu’il faut d’intervention pour colorer d’une nuance ici et là un moment charnière de leur chemin de croix. La proposition d’acteur en est une de corps figés, de poings serrés, de regards évités. La scénographie épurée de Cédric Lord isole les personnages en remplaçant le réalisme d’une maison de banlieue par une plateforme nue, sous laquelle sont déposés les objets d’une vie ordinaire, une vie d’avant. Le décor est état davantage que lieu. Appuyés par les éclairages de Renaud Pettigrew, les comédiens semblent flotter tour à tour dans l’isolation causée par la douleur. La précarité de leur équilibre semble de plus en plus évidente et le jeu de plus en plus rigide donne une impression d’espace psychique se refermant peu à peu sur les protagonistes. 

photo Caroline Laberge
photo Caroline Laberge

Il y a parfois dans ce minimalisme un élément un peu trop installé dans l’intention poussant légèrement la sobriété vers le pathos. Pensons, par exemple, à la musique d’Yves Morin et Étienne Thibeault qui ponctuent de piano triste chaque changement de scène. Alors que le poids du sujet menace de devenir accablant, voilà tout à coup qu’il se déleste pour faire entrer un peu de lumière.

Du lot de l’excellente distribution, il faut souligner particulièrement le travail de Pierrette Robitaille. Capable d’émouvoir, de faire rire et de choquer à l’intérieur d’une même réplique, on ne peut qu’être fasciné par l’aisance avec laquelle elle pratique son métier.

Le Terrier est une déconstruction intelligente du deuil explorant la douleur sourde d’une blessure permanente. Un spectacle triste, duquel on ne sort pas affligé.

Chez Duceppe jusqu’au 23 mars