Home Dépôt : un musée du périssable, hors des murs
Né de rencontres entre auteurs dramatiques et résidents de CHSLD, le nouveau projet de l’équipe de Matériaux Composites soude un lien important entre l’art et l’engagement social.
Dès son arrivée, le public doit prendre un numéro et patienter dans une salle d’attente, puis enfiler de charmants couvre-chaussures avant d’obtenir le droit de déambuler dans l’espace scénique. On y fait ensuite une visite rapide des lieux, imaginés par Marie-Ève Fortier. On y croise des dessins, des collages, un fauteuil roulant couvert de paillettes, des échantillons de peintures et des vêtements identifiés aux noms des résidents. Les déclinaisons de tons de beiges n’en finissent plus, l’ennui des lieux est palpable et on y ressent le poids d’une routine imposée. On s’imagine perdre sa santé, sa mobilité et son confort pour se retrouver dans ces chambres-maisons, où l’identité semble s’effriter lentement, où la liberté d’avoir du temps devant soi n’a plus la même signification. La seule façon d’exister réellement, semble-t-il, demeure celle d’y afficher ce qu’il est permis de coller à ses murs.
Dans cet émouvant spectacle parfois inégal, les auteurs ont creusé le passé à coup d’anecdotes et de souvenirs heureux, cherchant à redonner une dignité aux résidents hors de ce «lieu du vivre et mourir institutionnalisé». On y découvre les frustrations, les rêves, le désir et la réalité des résidents. Le soir de première, ce sont les lectures de Sarah Berthiaume, Jean-Christophe Réhel et Virginie Beauregard D. qui ont rendu hommage à leurs nouvelles amitiés. Un peu étrange, tout de même, que la présence de la plupart des résidents soit souvent accessoire et qu’il n’y ait aucun échange ni interaction entre les auteurs et ceux-ci. La poésie de Jean-Christophe Réhel, poignante, en hommage à son ami Rémi, qu’on imagine sans peine libre et rebelle dans l’âme, est troublante et magnifique.
Il y a aussi la voix de Dany Boudreault pour parler de sa rencontre avec Alexandre, comédien, auteur, habité d’une force et d’une énergie hors du commun. La présence d’Alexandre offre d’ailleurs des moments poétiques très forts et le spectacle prend une autre dimension avec lui. On a envie de les vivre avec lui, ces moments de liberté, ainsi qu’avec tous les résidents, d’envoyer promener les lieux froids et les cliniques que sont les CHSLD, de briser les murs de ces petites prisons et de faire la fête ensemble. Et c’est exactement ce que Home Dépôt nous invite à faire.