Première neige / First Snow : Mettre la table
L’arrivée de Première neige / First Snow au Théâtre de Quat’Sous avait de quoi piquer la curiosité. Pièce coécrite par les Écossais Davey Anderson et Linda McLean et le Québécois Philippe Ducros, coproduite par le théâtre PÀP, l’Hôtel-Motel et le National Theater of Scotland, mise en scène par Patrice Dubois et interprétée par des acteurs québécois francophones et anglophones ainsi que par des Écossais, il y avait là une intrigante proposition. Créée dans le cadre du Fringe Festival d’Édimbourg et en marge du référendum écossais de 2014, la pièce bilingue se présente comme des variations sur un même thème: la souveraineté. Réuni dans la maison familiale en terre québécoise à la demande d’Isabelle (Isabelle Vincent), le clan élargi se questionne sur les motifs de ces retrouvailles pour le moins impromptues.
Sur scène, un piano et une dizaine de chaises font office de décor. Tour à tour, on fera la connaissance des différents personnages orbitant de près ou de loin autour d’Isabelle: son frère Harry (Harry Standjofski), sa fille aînée Mina (Guillermina Kerwin), sa cadette Charlotte (Charlotte Aubin) et son copain écossais (Thierry Mabonga), son fils adopté François (François Bernier) et sa meilleure amie écossaise (Fletcher Mathers). Isabelle s’est levée un matin portant un vide en elle qu’elle ne savait combler. Ainsi, elle aimerait partir, laisser tout derrière elle et c’est pour cette raison que tous étaient conviés: ensemble, ils devront trouver un terrain d’entente pour se séparer les biens.
De cette prémisse convenue, les discussions saccadées tergiverseront, tentant de faire miroiter les différences et similitudes des deux nations, propulsées par des personnages très (trop?) typés: Charlotte la milléniale socialiste qui souhaiterait reprendre la maison, l’oncle anglophone qui ne possède aucune sympathie pour les différents mouvements d’émancipations québécoises, le frère un peu gaga porté par une foi souverainiste aveugle, etc. La présence des deux comédiens écossais fait grand bien à la pièce, leurs personnages nuancés calment la donne et leur jeu cadence bien les dialogues. Isabelle Vincent et Harry Standjofksi offrent deux performances notables, portant presque la pièce sur leurs épaules.
Si le projet est épineux, on semble sortir de la salle avec quelques échardes aux mains. Si la pièce donne à penser et que le moment de théâtre se déroule sans heurts, il y a toutefois quelques passages didactiques dont on aurait pu se passer, alors que certains sont plus plaqués que d’autres – notamment la lecture de la Déclaration d’indépendance du Bas-Canada de même que cette dernière scène où, finalement, tous s’attablent, ensemble. On sort du théâtre ayant passé une belle soirée, mais il semble que les tractations ayant donné naissance au projet soient plus intéressantes que sa finalité.
Jusqu’au 23 mars
au Théâtre Quat’Sous