Tlakentli : crier ses origines autochtones
Scène

Tlakentli : crier ses origines autochtones

La compagnie de théâtre francophone autochtone Ondinnok présente sa dernière création dès le 14 mars à la Place des Arts.

Après la création Un monde qui s’achève – Lola (2015), la danseuse autochtone Leticia Vera s’est questionnée sur ses origines, ce qui a été le point de départ de la création de Tlakentli. «Je voulais savoir pourquoi je n’avais jamais eu de portrait de mes grands-parents. Puis j’ai reçu une photo. C’était comme un signe qu’il fallait qu’on fasse quelque chose sur mes origines nahuas. C’était à la fois un processus artistique et un cheminement très personnel.»

Leticia en parle alors à Yves Sioui Durand, fondateur de la compagnie Ondinnok, qui décide de collaborer à la création tant dans la scénographie que dans la recherche: «La photo de Leticia révèle clairement les effets du colonialisme. On y voit des Mexicains qui cachent leur identité autochtone, par honte. On peut comprendre à quel point la négation de l’identité entraîne une blessure très profonde, qui perdure et qui alimente la violence au sein de la société».

L’artiste Carlos Rivera, ayant lui-même des origines nahuas et mixtèques, est touché personnellement par la thématique et se joint à la pièce comme interprète. «Le processus pour construire ce spectacle était très intéressant. C’était tout un travail de recherche mais aussi d’affirmation de nos racines indigènes. Il faut s’accepter comme des personnes qui portent en elles cette identité et l’aimer.»

La pièce mêle danse et théâtre et c’est tout naturellement que les deux arts ont pris leur place durant le processus de création: «Avec Yves, on s’est penchés sur la culture des anciennes civilisations et il n’y a pas de séparation entre la danse et le théâtre. Le rituel, c’est un ensemble et ça a été un point de départ pour la création. On s’est demandé comment il pouvait enrichir notre langage artistique», indique Leticia.

Un processus historique

À travers cette pièce, les trois artistes veulent parler de la situation des autochtones et demander leur reconnaissance au sein de la société. D’après Yves, «au Canada, on considère Leticia et Carlos comme des Mexicains, pas comme des autochtones! Je pense qu’on est rendu à un moment dans notre société où on doit reconnaître ceux qui ont des racines indigènes et qu’eux-mêmes s’acceptent. C’est un spectacle d’affirmation de son identité, une prise de parole, un acte de courage».

Durant le processus de création, les trois artistes se sont interrogés sur le passé autochtone et l’Histoire. «Pendant longtemps en Amérique latine, il y a eu la négation de l’identité indigène. La société et le gouvernement ont imposé leur idées et ça s’est traduit par de la discrimination, la négation de nos droits, notamment sur l’accès à l’eau, aux territoires ou encore sur notre manière de nous exprimer, notre culture, notre façon d’éduquer… Il était important d’en parler», explique Carlos.

«Pour construire Tlakentli, on est passés à travers les intuitions, les souvenirs, les images intérieures de Leticia et Carlos pour s’infiltrer à travers l’Histoire jusqu’à atteindre une véritable mise à nue», indique le metteur en scène.

«C’est le moment de crier qu’on est présents»

Tlakentli souhaite parler de la migration et des émotions qu’elle induit. «Quand tu commences à creuser, tu trouves la douleur et la colère. Tu comprends pourquoi tu es là et ce qui te fait mal. Maintenant, je me sens beaucoup plus forte et je veux encore plus m’affirmer. À travers ce spectacle, je veux partager cette fierté. C’est le moment de le dire, de le crier et de souligner qu’on est présents. On n’est pas éteints et on est là pour décoloniser!» raconte Leticia.

«Ce spectacle est une prise de pouvoir. L’art a toujours été un moyen de communication par lequel on peut dévoiler comment on voit notre propre monde. On cherche aussi une réflexion chez l’autre, explique Carlos. Moi, je me définis comme indigène, autochtone, homme, immigrant… et toi, comment tu te définis? Comment tu t’assumes? Comment s’identifier dans un pays qui prône le multiculturalisme et qui l’estompe en même temps?»

Tlakentli
du 14 au 16 mars
À la cinquième salle de la Place des Arts
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