Guérilla de l’ordinaire : Au cœur des luttes
Presque un an jour pour jour après Chienne(s) présentée dans cette même salle Jean-Claude Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, le Théâtre de l’Affamée – qui s’y trouve présentement en résidence – piloté par Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent récidive avec Guérilla de l’ordinaire. Abordant le sexisme latent et la pluralité des violences faites aux femmes, la pièce se présente à nous comme une habile mosaïque où la diversité des sujets n’impacte en rien la justesse des propos. Astucieusement mise en scène, Guérilla de l’ordinaire est une œuvre qui redonne goût au théâtre, une proposition qui fait confiance aux spectateurs, une pièce dont on sort galvanisé. Celui qui s’est récemment posé cent fois la question: «à quoi sert le théâtre?» est sorti de la salle en se disant simplement: «à ça».
Plusieurs mois se sont écoulés sans qu’on ait de nouvelles de Claude. C’est soir de vigile dans un théâtre pour honorer sa mémoire et s’accrocher à l’espoir: sœur, colocataire, ex, ami, lointaine connaissance et politicienne viennent se recueillir auprès des lampions qui occupent la scène. Tour à tour, elles prendront la parole, nous permettant de cerner un peu plus celle autour de qui tous orbitent. Militante féministe, elle s’est volatilisée la veille d’une manifestation prévue avec son ami au G7, à La Malbaie. À cette trame narrative se greffe des vignettes abordant une multitude de sujets brodant ainsi une courtepointe de sexisme ordinaire, créant des chambres d’échos pour toutes ses cruautés intériorisées qui mettent à mal le vivre ensemble. Souvent drôle et toujours juste, ces intermèdes ne sombrent jamais dans le piège de la pédagogie et sont de judicieuses ruptures de ton qui donne une belle profondeur à la proposition.
L’habillage musical interprété sur scène par Mathilde Laurier enrichit l’expérience – elle qui d’ailleurs accueille les spectateurs avec un pot-pourri de chansons sexistes exécuté en douceur, renversant ainsi le sens et les proposant dans toute leur violence –, alors que l’éclairage de Martin Sirois découpe ingénieusement la pièce. Sarah Laurendeau est simplement remarquable dans les multiples rôles qu’elle incarne et Pascale Drevillon est souveraine dans la peau de la sœur de la disparue. L’instant d’un soir, le théâtre redevient agora, se retrouve au cœur des luttes en réaffirmant l’espace commun qu’il devrait créer à chaque représentation, ayant d’un côté une parole et de l’autre, une écoute. Loin de la morale et du prêt à penser, Guérilla de l’ordinaire convie à la table beaucoup plus qu’elle ne pointe du doigt, ouvre une discussion plutôt qu’elle ne la dicte. Car si l’art fait grandir encore faut-il que les histoires aient quelque chose à dire, et en cela la pièce est une réussite sur toute la ligne.
Jusqu’au 30 mars
Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui
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