Backbone : Force de la nature
Scène

Backbone : Force de la nature

Hier soir avait lieu la première de Backbone, dernière création chorégraphique de la compagnie autochtone torontoise Red Sky Performance. Les trois chorégraphes, Sandra Laronde, Jera Wolfe et Ageer, ont voulu évoquer les différentes terres qui lient les Rocheuses aux Andes, d’où proviennent de nombreux peuples autochtones. Désireuse de représenter cette «épine dorsale de la Terre» comme mère unificatrice de l’être humain, Backbone nous aspire dans une énergie viscérale des corps, mais nous déçoit sur quelques choix scéniques discutables.

Après un extrait poignant de leur pièce Miigis (2017), le musicien s’installe, les danseurs entrent de nouveau sur scène et… le spectacle commence. Dès les premières minutes, les interprètes donnent le ton. On passe d’un tas de corps aux peaux entrelacées à une formation humaine où la force et la précision subliment l’unisson. Accompagnés par de profondes respirations, les interprètes tranchent l’espace par leurs gestes et offrent une physicalité à couper le souffle.

Pendant plus d’une heure, les huit individus se livrent corps et âme et magnifient la notion de momentum par leur danse athlétique. Composé de nombreux unissons, Backbone nous propose des effets visuels de groupe intenses où l’harmonie des corps devient musicale. Les trois chorégraphes sculptent une gestuelle unique et créative où les mouvements d’épaules, de dos et de poitrine amènent une symbolique forte et percutante. Avec leur regard de combattants, les huit artistes envahissent l’espace de façon remarquable et ne font qu’un avec le sol. Backbone offre des duos et des trios qui exploitent tout le potentiel de la manipulation de l’autre, faite avec délicatesse et sensualité tout en gardant une essence vigoureuse.

Lors des quelques moments de solos ou de duos, le temps parait limité et laisse vite place à un énième unisson. Dommage, car entrer plus en profondeur dans ces rares moments intimes aurait accordé une pause aux spectateurs dans la succession des innombrables tableaux. Cela aurait permis de s’éloigner du spectaculaire pour toucher un peu plus au sensible.

Sur la musique en direct faite de chuchotements, de chants de gorge et de batteries profondes et sonores, les mouvements s’imprègnent et se dessinent en toute technicité et maîtrise. Dans certains passages plus faibles, on décroche à cause des sonorités plus funky, électro, voire même rock, avec lesquelles on perd l’union corps-musique.

À défaut de proposer une plus-value grâce aux projections, la création exploite la lumière à merveille. On s’immerge dans la pénombre lors de moments intimes, notamment un duo très délicat entre deux interprètes masculins, et on retourne vite en intensité avec des dégradés de rouge très intéressant. Les alternances lumineuses s’accordent à la musique et aux corps et y apportent une touche de poésie.

Malgré quelques éléments qui auraient gagné à être approfondis, Backbone est une pièce sensationnelle qu’il faut aller voir. Les connexions physiques sont remarquables et dégagent une énergie animale fascinante. La chorégraphie elle-même nous amène dans un univers unique et développe une infinité de possibilités sans jamais devenir redondante. Dans une unité corporelle sentie et vibrante, les huit danseurs nous invitent dans une force viscérale qui unit l’humain au-delà des frontières.

Backbone
Jusqu’au 23 mars
À la cinquième salle de la Place des Arts
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