Où tu vas…? : Un aperçu en images de la 6e mouture
Le Carrefour international de théâtre de Québec rehaussera l’éclat des méandres de la Pointe-aux-Lièvres, de part et d’autre des berges de la rivière Saint-Charles. C’est là, aux abords du parc Victoria, à la convergence de Limoilou, Saint-Roch, Saint-Sauveur et Vanier, que sera présentée la nouvelle mouture du parcours Où tu vas quand tu dors en marchant…?.
Où tu vas quand tu dors en marchant…? Voilà la question que le Carrefour international de théâtre nous pose depuis maintenant 10 ans, le titre de ce rendez-vous onirique auquel sont conviés les somnambules et autres passants au crépuscule de chaque printemps. C’est assurément l’événement le plus rassembleur du calendrier scénique annuel, possiblement le meilleur contexte pour visiter Québec peu avant l’arrivée massive des convois de touristes.
Le carte officielle a, par ailleurs, été dévoilée aujourd’hui.
Coordonné pour une seconde fois par le grand Alexandre Fecteau, le spectacle déambulatoire se divise en un total de cinq tableaux. Dans la foulée de cette annonce encore fraîche, on a eu envie d’aller à la source de la création, de sonder les concepteurs pour s’offrir une mise en bouche question de se mettre en appétit pour le grand-rendez-vous.
Présage post-apocalyptique
Représenté par la Galerie 3, Martin Bureau a essentiellement fait sa marque comme peintre et vidéaste documentaire. On reconnaît ses toiles à leurs tons de gris et de brun, un colori terne, délibérément maussade, qui sert son propos environnementaliste et anticonsumériste. Sans enfiler de gants blancs, il cloue l’industrie pétrolière au pilori plus souvent qu’à son tour et en expose les conséquences désastreuses d’un point de vue écologique. Le qualifier d’artiste engagé serait un euphémisme.
Avec L’embâcle des sans-soucis, l’installation à large échelle qu’il s’affaire à confectionner pour le parcours, le créateur multidisciplinaire s’inspire d’une récente série de tableaux de son cru. Il s’est montré avare de commentaires et on le comprend sans mal: l’emplacement et la nature exacte de sa proposition constituent une surprise de taille en soi. «C’est comme si c’était la banlieue qui avait dévalé jusqu’à la rivière. Après ça, il va y avoir un espèce de contraste entre party et catastrophe. […] La nature se déchaîne autour de nous, mais on s’amuse quand même. On s’en fout.»
Poésie d’images
Le scénographe Vano Hotton n’en est pas à sa première participation au Carrefour international de théâtre de Québec. En plus d’avoir conçu les décors du bar éphémère Le Zinc de 2009 à 2015, il a déjà assisté Pierre Robitaille dans la fabrication de Machineries, une station d’Où tu vas…? aménagée au pied des murs fortifiés du parc de l’Artillerie.
Seul aux commandes, inspiré aussi bien par les chefs-d’œuvre et les aberrations architecturales de la Vieille Capitale, le sculpteur d’ambiance se prête à une réinterprétation de notre invraisemblable patrimoine bâti. Cette pièce exempte d’acteurs et de texte offrira un environnement méticuleusement assemblé et accessoirisé qui se suffira à lui-même. Il s’offre «tout un trip de scéno», pour reprendre ses mots. «Je vais beaucoup travailler par détournement. Ce que vous allez reconnaître va pouvoir se percevoir d’une nouvelle manière. […] Je pense que ça pourrait amener le spectateur à la contemplation, à s’attarder aux détails et à sourire. Ce que je souhaite, par-dessus tout, c’est que les gens puissent s’émerveiller.»
Lever l’ancre
Si vous fréquentez Les Gros Becs, nul doute que vous avez déjà entendu parler de la compagnie Les Incomplètes. Laurence P. Lafaille, Josiane Bernier et Audrey Marchand se démarquent par leurs spectacles et expositions intimistes, destinées au jeune public.
Dans le cas qui nous occupe, cependant, le trio voit grand et pour les grands. Pour tout le monde, en fait. Les trois filles ont entrepris d’édifier un village côtier qui vit au rythme des départs et des arrivées. Elles mettent en scène une communauté littorale fictive, mais calquée sur celles des Îles-de-la-Madeleine, de l’Acadie, de la Gaspésie et de Terre-Neuve. «Nous, les citadins, on se délecte des produits de la mer, relève Laurence. On a vu ces travailleurs-là à l’œuvre, on est allées sur des bateaux de pêche au homard, on a rencontré des femmes de pêcheurs, on a rencontré des femmes qui pêchent, des pêcheurs jeunes comme vieux, des enfants de pêcheurs qui rêvent de poursuivre la tradition. On trouve que leur travail est extraordinaire, qu’ils nous amènent tellement de bonheur, mais on n’est jamais en contact avec leur réalité. On a eu envie de rendre hommage aux collectivités qui nous font vivre, finalement.»
Prendre son envol
Karine Ledoyen, figure de proue de la danse à Québec, a l’habitude des flirts avec le théâtre, des collaborations interdisciplinaires. Elle se lie cette fois à Ludovic Fouquet, professeur d’université, spécialiste de l’œuvre de Robert Lepage et créateur au curriculum vitae florissant. On l’a aussi vu, presque accessoirement, dans Hôtel-Dieu de Fecteau à l’hiver 2018.
La paire s’est vue attribuer le pont vert, un passage à une voie qui sera, pour les besoins de l’art, fermé à la circulation automobile. «C’est une structure qui est quand même assez lisible, qui est belle, une structure métallique qui nous fait un peu penser à des choses à la Eiffel. Ça nous plaisait, expose Ludovic. Tout de suite, on s’est dit qu’il y avait quelque chose [à faire] autour de l’accroche, de la suspension. On a envie, peut-être, de travailler sur l’idée de la gravité, de la désorientation.» Sans révéler le pot aux roses, Karine a tenu à ajouter son grain de sel. «C’est sûr qu’en termes de danse, la gravité, c’est quelque chose avec quoi je compose physiquement tous les jours. Soit je veux la défier, soit je veux travailler avec. Quand j’ai vu ce lieu-là, le pont, j’ai pensé que ça me donnerait l’occasion d’exploser de nouvelles possibilités, par rapport aux hauteurs, notamment.
Petits plaisirs coupables
On a pu apprécier le travail de Maxime Beauregard-Martin et Maryse Lapierre à Premier Acte puis à La Bordée avec Mme G., une pièce tendre et puisée à même la truculente biographie de la tenancière de bar Thérèse Drago. Une singulière dame qui a marqué le folklore de la Haute-Ville à tout jamais.
Cette fois, le duo attaque Vanier par l’entremise d’un terrain vague sis à deux pas des bretelles de l’autoroute Laurentienne. Un lieu pittoresque qui sied bien à leur idée de départ. Leur proposition s’inspire du Camping Sainte-Madeleine et de ses équivalents, de ces havres de plaisance surplombés d’asphalte. Sans moquerie aucune, leur Terre promise servira notamment de prétexte à un exercice de style kitsch, une célébration de l’esthétique dite quétaine. «[Nos personnages] ont choisi cet endroit parce que c’était le dernier qui restait, mais ils ont réussi à en faire quelque chose de beau, à créer un espace où ils sont bien, résume Maxime. On a tous quelque chose de marginal à exprimer ou à dissimuler, mais dans ce contexte-là, personne ne s’en cache.»
Où tu vas quand tu dors en marchant…?
Tous les jeudis, vendredis et samedis dès 21h
Du 23 mai au 8 juin
Consultez l’événement dans notre calendrier