Erika Soucy : La Marie-Mai de la poésie
Scène

Erika Soucy : La Marie-Mai de la poésie

Erika Soucy nous convie à une odyssée au cœur des chantiers du Nord avec Les murailles, une pièce adaptée de son premier roman, qui fera scintiller les remparts du Périscope en avril.

C’est un livre que l’on dévore à voix haute pour en savourer chaque subtilité. Un livre où la poésie brute et sauvage est un hommage à cette langue vivante qui nous unit, qui nous définit. Cette oralité qui patine les pages du premier roman d’Erika Soucy ne pouvait être muselée. Il fallait sortir Les murailles de sa forteresse de papier.

Les murailles, Erika Soucy, VLB Éditeur

L’adaptation scénique allait de soi pour la pop star autoproclamée (en blague) de la poésie québécoise. Surtout que l’auteure a fréquenté le Conservatoire d’art dramatique de Québec, après des études à Trois-Rivières en arts et lettres (théâtre et médias). Son premier réflexe d’écriture a donc été la dramaturgie. «Quand j’ai commencé, je voulais faire un roman, mais à un certain moment, je me suis demandé: est-ce que je suis en train d’écrire une pièce?» Erika a finalement pris le parti du roman. «Je me suis dit que je pourrais toujours en écrire une pièce après. C’est un peu ça qui est arrivé.»

Mise en scène par Maxime Carbonneau, l’œuvre théâtrale nous plonge dans le récit de la jeune poète Erika, qui lève le voile sur ce qui pousse les hommes à délaisser leur famille pour les chantiers du Nord. À l’instar du roman, la narratrice, hébergée au campement des murailles près de Romaine-2, dépeint le rude quotidien de ces travailleurs qui vivent au rythme du fly in, fly out. Sur les planches, Les murailles se rapproche davantage de la fiction. «J’ai décollé de l’aspect documentaire, expose l’auteure. En même temps, tout ce qui s’y retrouve est réaliste, c’est documenté et ça repose sur des faits réels. Quelqu’un qui veut savoir c’est quoi la dynamique d’un chantier, il va le retrouver dans la pièce.»

Brodant autour du noyau familial, l’adaptation mise davantage sur la relation père-fille, ce qui ne manquera pas de titiller notre fibre sentimentale. «C’est très près du roman et à la fois, très loin. C’est comme un complément. Ce n’est pas tant une pièce de théâtre; c’est un roman amené au théâtre. C’est vraiment ça que je voulais faire: respecter mon genre premier, qui est la littérature.»

La quête boréale

Les murailles est le fruit d’une résidence d’écriture au chantier de la Romaine. Au départ, Erika Soucy s’y rendait pour observer son père et ses collègues, avec comme objectif de pondre son deuxième recueil de poésie. Un séjour d’une pierre, deux coups. Et puis trois, puisque des extraits de L’épiphanie dans le front sont imbriqués dans la pièce. «En fait, c’est la même histoire que Les murailles, mais en poésie. C’est presque le fil conducteur: l’auteure qui va au chantier, ça passe par mes poèmes. La poésie est très présente, elle est porteuse de sens.»

Sa prose nous enveloppe jusqu’au bout de sa quête: comprendre son père, sa quête à lui, son besoin incessant de retourner sur les chantiers, loin du cocon familial et du tourbillon de la ville. «C’est assez troublant, avoue la Nord-Côtoise d’origine. D’avoir été engourdie par le chant des sirènes, de rester là-bas, de vivre en communauté fermée aussi… c’est spécial, mais ça fait du bien. Il y a quelque chose de reposant et hors du monde qui est bien agréable.»

Les murailles en répétition   crédit : Dany Boudreault

Ce «genre de quiétude» ressentie par le père, puis par la fille, embrase la pièce. «C’est un show de lumière, Les murailles. C’est un témoignage d’amour, même si des fois, c’est cru. Mais pour moi c’est ça, un vrai témoignage d’amour. Ce n’est pas de cacher les choses et de rester dans nos tabous.»

Une terre à défricher

La plume d’Erika Soucy n’est jamais loin de la scène. Celle qui a également publié Cochonner le plancher quand la terre est rouge et Priscilla en hologramme a participé à Poésie Oralité Musique Métal Écrit (P.O.M.M.E.), un projet déjanté créé en 2012 où la littérature se frotte au speed métal, en plus de joindre ses forces à Philippe Brach et Fabien Cloutier avec Boum Dang Sangsue – spectacle qui aura vu naître l’apellation «Marie-Mai de la poésie». Elle a cofondé l’Off-Festival de poésie de Trois-Rivières et est scénariste pour la télé, notamment pour la série Léo, qu’elle coécrit avec Cloutier et son comparse Steve Laplante, dont la deuxième mouture sera sur les ondes du Club Illico à l’automne.

Malgré ses nombreux chapeaux, Erika tenait à donner elle-même la réplique aux personnages de son roman. Un défi colossal rencontré dès la première répétition. «J’ai la musique du texte dans ma tête. Ça a été très dur de prendre de la distance par rapport à tout ça, de me ramener au sens premier de ce que la phrase veut dire, de c’est quoi la scène, et qu’est-ce qu’il faut jouer. J’avais tellement le nez collé dessus que je ne le voyais plus. Il a fallu que je déconstruise énormément de trucs à l’intérieur de moi. Après, là, je prends ma place, je suis redevenue la meilleure personne pour jouer mon rôle.»

Du 9 au 20 avril
Au Théâtre Périscope
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Les murailles
VLB éditeur
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