Fantasia au FTA : La portée du regard
Sorte d’exercice de jeu, la proposition d’Anna Karasińska se trouve entre la pièce de théâtre et la performance. Sur un plateau vide, six comédiens suivent les directives de la metteure en scène. Une lumière vive tant dans la salle que sur scène met l’accent sur le contact entre le public et les acteurs.
À la façon d’une classe de maître, Fantasia semble d’abord vouloir présenter une des facettes de la recherche théâtrale, en nous immergeant dans la relation de confiance unissant le metteur en scène à ses acteurs, matériau de base nécessaire à la traduction de sa vision. Ainsi, lorsqu’ils sont nommés, les acteurs obtempèrent aveuglément aux commandes d’Anna Karasińska : «Dobromir joue une personne qui a honte de danser sur les chansons qu’elle aime» ou «Adam joue une personne qui est en désaccord avec toi» ou «Agata joue une personne qui a pris l’autobus avec toi, ce matin».
Des tableaux apparaissent et disparaissent, donnant naissance à un univers étrange où certains passages au dialogue préécrit (surtitres obligent) évoquent une poésie un peu vianesque. Impossible cependant, d’oublier l’acteur au profit du personnage, et là n’est pas l’intention. Il faut le montrer en pleine besogne et s’il décroche, c’est presque tant mieux.
Au fil de l’heure, on se détache de la démonstration pour discerner la réflexion derrière la démarche. De par ses consignes qui mettent souvent l’acteur en relation avec le spectateur, Anna Karasińska dirige surtout le regard et l’imagination de ce dernier, de manière à attirer son attention sur la réalité invisible des gens susceptibles de croiser son chemin. En créant une connexion empathique, cette manipulation permet de s’arrêter un instant sur les différences qui nous habitent, et sur lesquelles nous passons outre, la plupart du temps.
Cette exploration théâtrale, aussi ludique soit-elle, s’apparente à un essai sur le processus d’identification auquel le spectateur se soumet d’emblée. En le sollicitant comme elle le fait, la metteure en scène se sert de lui au même titre que ses acteurs.
S’il s’agit d’une façon originale de présenter le travail de mise en scène au public, certains pourront rester sur leur faim. Bien qu’on sente la rigueur derrière le projet, la chose a parfois davantage des allures de jeu divertissant que de spectacle achevé. On nous présentait l’aventure comme un canevas où la matière serait malléable et la spontanéité aux premières loges, mais on en sort avec l’impression d’avoir vu une performance touchante, certes, mais un peu figée.
Le FTA se poursuit jusqu’au 4 juin
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