Put Your Heart Under Your Feet… And Walk! au FTA : Cauchemar d'amour
Scène

Put Your Heart Under Your Feet… And Walk! au FTA : Cauchemar d’amour

Hier soir, le controversé Steven Cohen présentait sa toute dernière création Put Your Heart Under Your Feet… And Walk! au Festival TransAmériques. Entre féérie esthétique et monde cru et violent, le créateur se livre et évoque la mort dans une performance cérémoniale difficile à oublier. 

L’ambiance est conviviale avant le début du spectacle. On observe un plateau scénique bien rempli, constitué d’une installation de tourne-disques, d’une multitude de chaussons de ballets et de chandeliers. Après une courte vidéo où l’on découvre Steven Cohen, personnage intrigant et délicat au masque de papillon et à l’allure vaporeuse et mystérieuse dans son tutu blanc, ce dernier entre sur scène. Juché sur des talons aiguilles démesurés en forme de cercueil, il s’aide d’immenses béquilles pour déambuler entre les paires de souliers de danse, symboles du parcours de son compagnon de vie, récemment défunt. Doux, minutieux et lent, il calcule un pas après l’autre, dans la fragilité, et continue d’avancer, de se tenir debout, d’essayer de vivre malgré la douleur.

photo Pierre Planchenault

Changement de décor. Une vidéo montre son expérience au cœur d’un abattoir. Il y côtoie la mort, le sang, les entrailles, se pend telle une carcasse, caresse la peau d’un animal mort, danse à côté des cadavres. Toujours dans la douceur, il confronte le vivant et le trépas. Il ira plus loin dans une autre séquence où les images deviennent insupportables. Une vache se fait tuer, le sang coule et se mêle à la robe blanche de Steven Cohen. Il s’étend sous le cou de la bête qui gicle d’épaisses gouttes de sang sur le visage de l’artiste. Comme un rappel de l’hémorragie fatale de son bien-aimé. Il s’enduit de la mort, pour mieux la comprendre et la livrer de la manière la plus crue.

Dans une nudité partielle, Steven Cohen arbore l’installation de tourne-disques. Les musiques s’accumulent, les sonorités sont plaisantes, jazz et légères, loin des situations macabres vécues auparavant. Sa démarche nonchalante et son sourire en coin font du bien. Un petit bonheur de la vie, une simplicité partagée qui tranche.

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Telle une messe, le performeur allume des cierges et se place en face de son audience. Entourées de lumières rouges, feutrées et très belles, les images de son propre enterrement et de sa résurrection habillent le début du cérémonial. Cohen parle, se confie sur sa présence ici et sur son œuvre. Il ne joue pas, il vit son deuil. Il met en lumière des tabous, car ils n’en sont pas pour lui. Il s’excuse auprès de Dieu et rappelle les dernières paroles de son bien-aimé. Tout en sincérité, il filme en gros plan son œil et l’intérieur de sa bouche pour confirmer la réalité de ce que l’on vit tous ensemble au moment présent. Après avoir dévoilé l’urne où sont inscrits les noms et les dates de naissance et de mort du défunt, il avale, dans le respect et l’amour, ses cendres. «I’m your grave.»

Dans un dernier acte de révélation, l’artiste se dénude, se fait enrober par une fumée épaisse et saturée, et, sur une dernière chanson mélancolique, se meut, toujours dans la délicatesse au cœur de ce geste de délivrance à la fois sensible et troublant.

Même après les applaudissements, plus personne ne parle, la salle reste muette…

Jusqu’au 29 mai
À l’Usine C