Anima/Darkroom : lexique d’un langage
Le spectacle présenté au théâtre La Chapelle Scènes Contemporaines est un moment dansé d’une puissance rare. Une rencontre entre deux genres, le contemporain, dont est issue la chorégraphe Lucy M. May et le krump dont le danseur 7Starr est l’un des pionniers au Canada.
L’entrée en matière se déroule dans une ambiance bon enfant. Le danseur, Vladimir Laurore de son vrai nom, explore avec nonchalance son espace, s’engage dans une discussion avec le public, lui lance quelques blagues, l’interpelle, met déjà la table pour une connexion à venir. Car dans le monde du krump, cette danse de rue née Los Angeles, le public est loin d’être dans un état de passivité. Ce que tu reçois, tu le vis et tu le redonnes, c’est le propre de la hype.
Alors que les paroles adressées à son auditoire s’estompent graduellement tandis que la musique se fait de plus en plus forte, le corps du danseur se fait réceptacle d’une tension, l’air se fait électrique. Pendant l’heure qui suit, on assite à un dialogue constant. Entre deux disciplines, entre deux états.
Historiquement, le krump se pratique sous la forme de duels, dans une position de défiance respectueuse. La dualité exprimée dans Anima/Darkroom est d’autant plus éloquente qu’il s’agit d’un solo. Ce seul être laisse transparaître une palette de vécus, et on se voit transporté entre les extrêmes. Dans ce spectre d’expressions, l’humour et le grotesque se manifestent dans un jeu corporel et facial impressionnant, avec l’aboutissement aux antipodes: l’agressivité et la vulnérabilité.
Le krumper semble vivre un combat avec lui-même, nous convie à une confrontation dure dans le temps. La lenteur occasionnelle permet d’apprécier la clarté du geste et de l’intention. On devient plus sensible à la dramaturgie du spectacle, à l’intensité des personnifications de 7Starr. Et bien sûr, cela tranche avec la vivacité des enchaînements suivant qui creusent dans l’impulsion, la libération, dans une sorte de tribalité. C’est comme donner à voir son âme dans «cette boîte noire», dans ce va-et-vient entre obscurité et lumière qui dévoile et cache en même temps.
Dans tout cela, les créateurs ont trouvé place pour une petite séance de pédagogie autour de certains mouvements de base du krump jusqu’à ce qu’arrive le moment que tous semblaient attendre: l’extériorisation d’une énergie trop longtemps contenue, d’une émotion brute, d’un corps en transe. Le krump dans tout son lexique et son expression.
Anima/Darkroom
au Théâtre La Chapelle scènes contemporaines
jusqu’au 1er octobre
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