L'homme de la Mancha : Le courage de ses idéaux
Scène

L’homme de la Mancha : Le courage de ses idéaux

Il y a cette idée que la vocation des poètes est animée par un désir de réinventer le monde qui les oppresse, d’en trouver le sens ou, du moins, d’en accepter le poids. C’est sur ce point que s’appuie L’homme de la Mancha, faisant de Cervantès un militant anti-establishment qui, avant de se faire questionner par l’Inquisition, plonge ses frères de cellule au coeur de son imaginaire. 

Créée à Broadway en 1965 par Dale Wasserman, puis traduite par Jacques Brel, la pièce de théâtre avait été mise en scène en 2002 par René-Richard Cyr alors qu’il en était encore à ses premières armes en matière de comédies musicales. Le succès fut si grand qu’il n’est pas étonnant qu’après avoir tourné pendant sept ans, elle soit reprise aujourd’hui.

Pour cette nouvelle édition, on retrouve les mêmes collaborateurs qui proposent un univers précis sans se toutefois sombrer dans le superflu. Ainsi, les décors de Réal Benoît, animés par les éclairages d’Étienne Boucher, évoquent tantôt un cachot, tantôt un château ou encore une auberge. De la même façon, la mise en scène de René-Richard Cyr ne s’égare jamais en artifice, laissant la mise en abîme du théâtre dans le théâtre exposer son propos. C’est donc candidement fasciné que le public, tout comme les prisonniers de la prison, se laisse entraîner dans cette évasion soigneusement orchestrée par le pouvoir des mots. 

Pour porter le texte et les chansons, la distribution est des plus solides, mais le tour de force est effectué par le trio principal qui réussit à amalgamer jeu badin et nuances émouvantes. Sylvain Scott en Sancho Pança est d’un comique candide parfaitement assuré, Éveline Gélinas porte en elle le poids de la cruauté réservée aux femmes en même temps que la résolution d’une guerrière, et Jean Maheu reprend son rôle en saisissant très bien comment faire de son Don Quichotte un idéaliste bouleversant plutôt qu’un demeuré fantasque. Maheu et Gélinas maîtrisent harmonieusement leurs voix et jouent de texture pour porter encore plus loin la vulnérabilité des personnages.

Il y a, dans la simplicité de cette production, une efficacité redoutable qui rappelle l’importance des arts afin d’échapper à une réalité étouffante. Alors qu’il nous faut déclencher les révolutions nécessaires au retour de notre équilibre, L’homme de la Mancha est le genre d’oeuvre qui prouve que notre imaginaire est capable de grandes choses. Il faudra ensuite se donner les moyens d’en réaliser les rêves.

Jusqu’au 9 novembre
au Théâtre du Rideau Vert

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