Tout inclus : Pièce non autonome
Un peu comme les tours de condominiums, les résidences de personnes âgées semblent pousser partout aux quatre coins du Québec alors que l’appétit des promoteurs pour de tels projets paraît insatiable. C’est un fait: le renversement de la pyramide démographique au Québec est un enjeu de société tangible auquel on se doit de réfléchir. Partant d’une expérience personnelle, le déménagement de ses propres parents dans l’une de ses résidences, le comédien et artiste multidisciplinaire François Grisé (adjoint de la dramaturge Annabel Soutar et de sa compagnie Porte Parole) propose Tout inclus, une pièce documentaire qui veut réfléchir aux questions que sous-tendent ce choix social.
Assumant pleinement qu’il se «crissait» des vieux avant 2012, Grisé (sur scène) raconte comment son rapport s’est transformé lorsque cette réalité s’est immiscée dans sa vie. Le projet de Tout inclus a ensuite germé et c’est ainsi qu’il a désiré vivre 30 jours dans une résidence pour personnes âgées autonomes pour tenter de sonder ce qu’elles peuvent dire sur nous. C’est à Val-d’Or qu’il aboutira, alors qu’une majorité d’institutions ont refusé de le recevoir pour ce projet. Arrivant comme «l’étranger», ça ne prendra pas grand temps avant que plusieurs résidents curieux ne s’ouvrent à lui. L’enquête se transforme en une suite d’anecdotes touchantes et humaines habilement interprétées par André Lacoste, Marie-Ginette Guay et Marie Cantin qui, tour à tour, proposent une pléiade de résidents.
C’est peut-être le jeu des attentes qui m’a ici joué des tours, mais les dernières productions de Porte Parole m’ont habitué à des pièces socialement engagées (J’aime Hydro, Grains, L’assemblée, Fredy), alors que Tout inclus propose un récit beaucoup plus personnel d’une expérience et l’on demeure avec la fâcheuse impression que plusieurs questions n’ont pas trouvé réponse. Ce qui chicote le plus, c’est que ses interrogations sont évoquées tout au long de la pièce, mais on reste qu’en surface. On peut penser à Grisé qui, à plusieurs reprises, demande aux résidents «ce que ça fait de vivre ici» et, chaque fois, ces derniers racontent leurs vies de long en large. Cette solitude est montrée ici, mais elle aurait pu être le nœud de la pièce. Même chose lors des quelques segments où Grisé visite le gisement d’or de Malartic: il mentionne le Klondike des prospecteurs de l’âge d’or, ceux qui construisent jusqu’à plus soif ses résidences qu’ils vendent à fort prix à une population très souvent seule, économiquement vulnérable et au sortir d’un trauma (maladie, décès d’un conjoint.e). Qu’évoqué, ce qui aurait pu être le fil d’Ariane de la pièce ne demeure qu’une ficelle narrative inutilisée.
La mise en scène d’Alexandre Fecteau est relativement sobre, mais alourdie par les décors d’Odile Gamache: de gros panneaux mobiles servent tantôt d’écrans, tantôt de portes d’ascenseur, tantôt de découpage scénique. À force de les trimbaler d’un côté à l’autre de la scène, le mouvement dans l’espace en devient répétitif. Quelques initiatives sont inutilisées, comme de séparer le public en tranche d’âge dès son arrivée dans la salle. L’idée est intéressante, mais lorsque la pièce débute, on n’en fait absolument rien… Tout comme le découpage en chapitre du texte qui est vain, les cassures dramatiques n’étant pas assez tangibles pour qu’on ait à les nommer. Finalement, les éclairages d’André Rioux jurent un peu avec la proposition alors que Grisé nous parle de l’éclat des néons au cœur de la résidence. Le jeu de lumière chaude qui enveloppe la scène est en décalage avec le propos. On comprenait peu l’utilité des différents ombrages créés par les éclairages latéraux, si ce n’était pour favoriser la projection vidéo.
Entendez-moi bien, il y a de beaux et de drôles de moments dans cette pièce qui s’avère parfois très touchante. Reste que l’on sort du théâtre avec cette impression qu’on a voulu aller partout et nulle part à la fois, comme si, dans le développement du projet, plusieurs avenues se sont ouvertes à nous et jamais on n’a su quelle direction prendre.
Jusqu’au 25 octobre
au Théâtre La Licorne
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