Les Amoureux : sortir Goldoni de la caricature
Qu’est-ce que l’amour ? C’est cette grande question qu’aborde Les Amoureux, une pièce de Carlo Goldoni qui sera présentée à partir de mercredi au Théâtre Denise-Pelletier.
On connaît Catherine Vidal pour ses mises en scène d’œuvres plutôt sombres et sérieuses – on se souvient par exemple de son travail sur L’Idiot de Dostoïevski. C’est donc avec surprise qu’on avait appris qu’elle s’attaquait cette année à une pièce de l’auteur du 18e siècle Carlo Goldoni. Dans Les Amoureux, un jeune couple se sépare et se réconcilie sans cesse, avec rival ténébreux et oncle ruiné en toile de fond. Bref, une intrigue typique de Goldoni, jalousie et ridicule inclus.
« Ça a été une invitation de Claude Poissant [le directeur artistique du Théâtre Denise-Pelletier, ndlr], explique Catherine Vidal. Je disais que je ferais bien quelque chose de léger, et en boutade, il m’a dit de monter un Goldoni. Il ne pensait pas du tout que je dirai oui… » Le duo s’est donc mis à fureter dans le répertoire traduit en français du dramaturge italien, en évitant les pièces déjà très connues. Il fallait aussi garder en tête le public du théâtre, constitué en partie d’écoles.
« Ne t’attends pas à ce que je fasse un truc cute ou juste drôle », avait prévenu Catherine Vidal en répondant à l’invitation de Claude Poissant. Sa version des Amoureux est en effet plus noire et dramatique que ne le laisserait présager le texte. « J’ai l’impression d’avoir percé la comédie. On se dépouille du masque de la comédie et de la caricature, et on ne s’empêche pas d’être dramatique ou réaliste, indique la metteure en scène. La pièce tend un véritable miroir au public. »
Catherine Vidal se défend cependant d’avoir plaqué sur le texte son propre regard. Selon elle, il y avait bien dans l’œuvre de Goldoni un germe de cette vision plus sombre : « Ça n’est pas seulement un texte drôle. Il y a aussi de la noirceur et de la vérité là-dedans… » Pendant les répétitions, la troupe s’est accompagnée des Fragments d’un discours amoureux de Barthes, s’envoyant des extraits qui faisaient écho aux mots de Goldoni. « C’est étonnant de voir comme ce texte écrit dans les années 70 peut nous rejoindre autant », lâche la metteure en scène.
La pièce qu’elle a découvert en la travaillant en profondeur l’a totalement surprise. Si à l’époque le système des rôles était très figé et codifié, Goldoni a voulu changer cela en arrivant dans un nouveau théâtre, alors qu’il travaille sur Les Amoureux. Le dramaturge écrivait en effet beaucoup pour les acteurs et leur faisait des rôles presque sur mesure. « Ici, la jeune première n’est pas du tout un personnage de petite fragile, mais plutôt une mégère apprivoisée », commente Catherine Vidal.
Pour ses Amoureux, elle a réunit une large distribution de dix comédiens avec qui elle avait déjà travaillé, comme Simon Beaulé-Bulman, qu’on avait pu voir dans Le Grenier, ou Vincent Côté et Olivia Palacci (Chapitres de la chute). « Je voulais rassembler une gang qui allait bien s’entendre, souligne Catherine Vidal. Pour faire une comédie, il ne faut pas d’élément compétitif. » La metteure en scène a en outre voulu créer une espère de proximité avec le public, en enlevant notamment le quatrième mur. Après tout, la question de la définition de l’amour nous touche tous… « Personne n’en est à l’abri. »
Les Amoureux
Du 6 novembre au 4 décembre au Théâtre Denise-Pelletier