Le web est mort
« Les pages web existeront toujours. Nous avons encore les cartes postales et les télégrammes, non? »
Excellent papier dans le magazine Wired de septembre, actuellement disponible en kiosques. Un état des lieux de l'empire Internet qui célèbre cette année ses 18 ans et qui, à l’âge de la maturité, n’a plus rien de ce qui faisait son charme à ses débuts.
Vous vous rappeler le temps qu’il fallait pour afficher une simple photo sur une page web? Personnellement, je cliquais et je partais souper. Le temps de revenir après mon dessert, 75% de l’image étaient apparus sur l’écran de mon vieux Pentium. Dans ce temps-là, le World Wide Web était l’expression à la mode, America Online (ou AOL, l’ancêtre des réseaux sociaux) semblait pointer vers le futur en permettant de commander une pizza en ligne et de partager des messages avec les autres membres de la communauté, et Netscape était essentiel si on souhaitait surfer sur les quelques milliers de pages qui existaient à l’époque.
Maintenant, à l’ère de Twitter, Four Square et Ping, le web du début des années ’90 nous semble aussi désuet et vieillot que les gros lecteurs de CD portatifs Shockwave de Panasonic et les conversations linéaires de MIRC.
"A/S/V? Âge, sexe, ville? LOL! Tu viens souvent chatter ici?"
Avant, pour avoir accès au web, il fallait aller vers lui et trouver un écran. Maintenant, c’est lui qui vient à nous. Les iPad, iPhone et autres portails sont aujourd’hui dans la poche de notre veston.
Mort trop jeune
D’ailleurs, comme le dit l’article du Wired, le Web est mort. Décédé plutôt jeune, à 18 ans, pour cause d’évolution à vitesse grand V. En 2010, les pages Web à proprement parler n’occupent plus que le quart de notre temps passé en ligne (on leur préfère clairement les réseaux sociaux, les emails et les jeux en réseau). Aujourd’hui, le « Web » est morcelé en millions de petits jardins fermés. Des applications. Des applications GPS, des applications pour accorder une guitare, des applications pour ouvrir une porte de garage électrique, des applications de recettes de cuisine, des applications porno, écolo, éducatives, romantiques, musicales, économiques, d’actualité…
Le monde n’est plus qu’applications qui assouvissent notre besoin de consommateur. « The machine-to-machine future is less about browsing and more about getting », nous dit-on dans Wired.
Le Web est mort. Le Comment et le Pourquoi dans le Wired de septembre.
*** En prime dans la même édition, un fascinant reportage photo sur les premiers prototypes d'inventions devenues avec le temps de véritables icônes. Le tout premier pistolet à eau Super Soaker fabriqué à l'origine à partir d'une bouteille vide de Pepsi, le premier synthétiseur MOOG, le premier Atari, le premier téléphone cellulaire Motorola, et, surtout, le tout premier ordinateur Apple fabriqué par Steve Jobs et Steve Wozniak. Une série de circuits électroniques et un clavier vissés à une planche de bois dans le garage familial de la famille Jobs.
Comme quoi de petites idées toutes simples donnent souvent de grandes choses.
A force d’imiter la vie, ses nombreux prolongements et ses innombrables connexions, je me demande jusqu’a quel la vie que nous menons ne finira pas a la longue par imiter nos organes et notre système nerveux artificiel et extérieur a notre corps.
Je dis ça de même, en passant, parce qu’au bout d’un moment le fait de faire voyager sa pensée virtuellement a la vitesse de l’éclair, on finit par se sentir plus présent dans un ailleurs infini et impalpable tout en ne sentant plus habiter l’endroit où nous sommes: dans notre corps ou dans la pièce où nous réfléchissons devant un écran lumineux.
D’ailleurs, le décalage horaire produit par une réaction externe a ce que l’on a fait hier, la semaine dernière ou l’année précédente a quelque chose d’étrange qui modifie notre état de conscience par rapport a l’influence et l’implication réelle que nous avons dans le monde qui nous englobe beaucoup plus que nous l’habitons.
Bref, quand je change mon statut sur FB, je n’ai pas l’impression d’être plus présent pour mes proches; j’ai plutôt l’impression de convertir de présent en passé précipité.
Ainsi, quand j’ai la drôle d’impression d’être dépassé en regardant une nouvelle console vidéo en songeant au fait que j’ai déjà eu du fun avec un vieux Atari, je me dis que le vieillissement de toutes les choses qui nous entourent a aussi la facheuse tendance de vieillir prematurement le vivant… jusqu’a le rendre accessoire chez certains accros d’internet.
Alors, le web est mort ? Vive le web.
Autrement dit, ça prend plus qu’une grande aisance a dechiffrer des Captcha pour démontrer que nous ne sommes pas devenus des robots.